Lasotè, un geste au service de la terre
Le lasotè est une tradition des mornes.
Pentus, les terrains difficiles d’accès, ont été ignorés pendant de longues années faute d’intérêts pour une culture laborieuse. Pourtant l’homme au cœur de l’effort a su faire revivre ce geste ancestral en rapport avec une solidarité villageoise.
Pour défricher, rien de tel, que d’être ensemble…
Plusieurs agriculteurs, la houe entre les mains, s’unissent pour avancer le labour – de bas en haut – de la culture locale : ignames, dachines, patates douces… sortiront bientôt de terre.
Ambiance au son des tambours
L’exode rural accentué en 1960 du Nord de la Martinique a failli faire disparaître cet art de cultiver. Mais les « Anciens » ont cru en cette reviviscence de la tradition créée antan lontan par les « nouveaux libres ». Le courage n’a alors pas manqué pour remettre au gout du jour le « bagaye vyé nèg’ ».
Aujourd’hui les travailleurs (dits « bourè ») n’ont pas leur pareil pour répondre à un rythme donné.
Aussi le maître-tambour (« tanbouyè ») donne la note du balan, reprise aussitôt par les joueurs de ti-bwa (« bwatè »).
Mais sonne par – dessus tout, ce rappel du « konè ».
Il surprend par un tempo lointain et fort à l’aide d’une superbe conque de lambi.
Entraide traditionnelle de labour
Le sol, après avoir été débroussaillé, est retourné par une vingtaine d’hommes au quartier « morne des cadets » lieu dit la férrée à Fonds-Saint-Denis ; en rang, la houe se lève méthodiquement en l’air puis retombe en cadence dans la terre friable.
Des tours de bras sans compter… pour sillonner, puis planter.
Le « mazonn » ou le « gran son » dictera alors le geste. Parfois un homme plus prompt que son voisin, lance l’outil comme une parade, rappelant qu’autrefois, la séduction était de mise, avec une musculature au rendez-vous ! Les femmes pouvaient alors repérer un éventuel prétendant… me rapporte un membre de l’association Lasotè.
L’ état d’esprit de Lasotè
Les dachines pour l’occasion… couvriront progressivement cette terre qui peut être aride même en saison d’hivernage. Moment de solidarité, basé sur le « coup de main » qui se lie aux sons de la musique traditionnelle. Les collines de la commune Fonds-Saint-Denis voient alors en quelques heures (au lieu de plusieurs jours) des trous « carrés » pour recevoir les jeunes racines, qui 8 mois plus tard regagneront le petit marché local.
Un savoir-faire et un savoir-être que la terre chante et honore !
Une cohésion sociale et un modèle économique, rajoutera Annick.
Le lasotè on y travaille, on y joue, on y danse… et on y mange bien !
Texte relu par Annick Jubenot, directrice de l’association Lasotè.
L’esprit de Lasotè est bien vivant à travers ce texte et ces images…dans 8 mois cela sera le rythme des couverts dans l’assiette qui répondra au tanbouyè…On en redemande!
La gourmandise te perdra Harold !
Au son de la musique traditionnelle les dachines ont un meilleur goût, le sais tu ?
Bel outil de cohésion sociale, faisons tout pour pérenniser cet outil qui honore notre patrimoine.
En effet, diverses associations dont celle de “Lasotè” soutiennent une manière de vivre et un état d’esprit collectif au service de la terre et de l’humain. Merci pour ce retour.
Merci à l’équipe de nous faire revivre ce savoir faire ancestral très pratique. Tout en un.
Nous aurions pu utiliser cette technique dans nos campagnes entre voisins pour planter nos terres souvent en friche faute de temps ou de main d’oeuvre. Ainsi on pourrait avoir une certaine autonomie alimentaire en quartier. Je rêve peut être, mais je crois qu’on pourrait y penser
Merci encore
Bien sûr Colette, excellente idée. Le coup de main se répand ou plutôt se perpétue, car face à l’individualisme naissant on y répond en s’engageant par le “faire ensemble” ; toute une manière de vivre que Lasotè approche.
Donc un rêve peut être… mais pouvant certainement devenir réalité !
Merci à toi.
Super article qui montre, que le savoir collectif, l’entraide, le lien social, et le collectif lui-même existent depuis toujours.
Le lasoté, un modèle économique à perdurer dans d’autres domaines.
Merci Carolle !
Merci Mercator pour ce retour qui appuie la démarche valorisante d’entraide… quelle qu’elle soit ! 😉
Bonjour Annick,
Un grand merci et félicitations pour le travail que tu fais. Raviver ce pan du patrimoine martiniquais, faire découvrir ou redécouvrir ce travail vié nêg, chaînon de la cohésion et du lien social, de l’entraide et source du bien mangé. Foss épi kouraj.
J-F
Merci pour l’association Lasotè,
Merci pour tes encouragements, tu as suivi l’évolution de notre travail depuis 2008. Ce qui fait qu’aujourd’hui la Martinique connait le Lasotè .
Comme des fourmis nous essayons de donner ses lettres de noblesse à cette pratique.
Merci à l’équipe de family évasion de nous soutenir.
annick
On y va Carole ?
Bonjour Pascale, j’y étais ce we, d’où ce reportage ! 😉
Mais d’autres manifestations sont prévues, ainsi que la vente de la récolte…
Existe aussi ailleurs dans le monde…
En effet, en Afrique cela reste un travail fort apprécié pour une entraide commune par exemple.
Le sud de la Martinique est aussi garant de cette pratique sous un autre nom, la fouyetè.
Merci !
Les modes de travail collectif existent dans toutes la caraïbes et en Afrique. Chaque île l’a adapté à ses sols et à ses besoins et croyances.
KOMBIT en Haiti
PITCHAY à Sainte Lucie etc…
Dans les Comores, dans le SAHEL en Afrique
En Martinique, il existe 3 types de musique de travail :
le lafouyeté sur le Nors atlantique
le fouyétè dans le sud (qui a quasiment disparu)
le lasotè, brité, gaoulétè ou laso dans le nord caraïbe
Si vous souhaitez en savoir plus, il y a un livre que l’association LASOTE a édité…
Bel article.
Merci à toi pour cet avis positif.
Super pour la solidarité !
En effet, un espoir pour avancer ensemble…
Super de faire un article sur cette belle tradition, méconnue de beaucoup de la nouvelle génération.
Merci pour ce témoignage qui porte l’équipe à continuer le creuset du partage et du terroir… où qu’il soit !
A bientôt
Pingback: Nwel (Noël)... Un repas et une tradition ! - Family Evasion
Pingback: Watabwi, le rendez-vous des souffleurs de conques marines - Family Evasion
Pingback: Habitation Spoutourne, une terre d’avenir ? - Family Evasion
Pingback: Isambert Duriveau, plasticien au cœur de la culture martiniquaise - Family Evasion