Habitation Spoutourne, un lieu d’histoire
Comme toute habitation, l’Habitation Spoutourne s’inscrit dans la mouvance de l’histoire, où le sol est resté le témoin de pérégrinations au-delà de ses frontières.
La piraterie sonnait alors le glas dans la passe de la Caravelle pour ne citer qu’un pays en proie à de tumultueuses factions.
La route du sucre du 8ème au 18ème siècle se conjugue à l’évolution des lieux d’habitat de la Martinique où l’industrialisation peu à peu mécanise les champs et transforme les vocations. Le sucre périclitant … le fermier devient éleveur.
La modernité fait alors disparaitre le labeur de la coupe de la canne et demande une « unité terrienne » tournée vers l’élevage, pour répondre plus que jamais aux jours incertains de l’avenir.
En effet, le réchauffement climatique n’épargne pas l’ agriculture martiniquaise et les carêmes de plus en plus rigoureux mettent en péril le devenir du bétail qui dépend de plus en plus de la manne humaine.
Pourtant le patrimoine mémoriel traverse tous les temps.
Comme ces Anciens de Sainte-Marie qui encadrent deux ouvriers pour leur apprendre à jouker le bœuf. Entre mains de velours et gants de fer, ces jeunes mèneront les deux taureaux aux champs pour les exploitations du Nord. Rendez-vous alors avec l’association Lasotè !
Une race bovine importée
C’est en 1948, après l’effondrement du cours de la canne, que Raoul Depaz a amorcé l’embryon de la filière bovine en Martinique. Issue de l’Inde, développée aux Etats-Unis, la race brahmane permet un virage économique pour les habitations qui ont déjà des parcelles vouées à la ferme.
Aujourd’hui 350 têtes de brahmanes quadrillent l’habitation Spoutourne cherchant le pâturage devenu de plus en plus ras. Le zébu, race à part entière, est ce bovin idéal pour s’adapter à notre climat sec et humide. Cette race synthétique, en raison de sa rusticité et de sa résistance aux maladies est utilisée pour créer des croisements avec des races européennes (comme le charolais, la blonde d’Aquitaine ou le limousin).
Ce croisement industriel plus charpenté en viande est la race principale du territoire avec un peu plus de 25 000 têtes. La filière organisée regroupe 130 éleveurs autour d’une coopérative, la CODEM. L’animal est alors appelé brahmouzin ou charbrais… selon l’origine du taureau.
Autre temps… autre date…
Une autre date retient l’attention… 1849. Lendemain de l’abolition de l’esclavage, Eugène Eustache acquiert les Habitations sucreries ayant appartenu à la famille DUBUC dont l’ habitation Spoutourne, ce qui signera d’ailleurs la fin du règne de cette famille. Celle-ci ayant subi quelques revers par l’invasion anglaise au 18ème siècle.
Ensuite la Saga du Galion perdure avec l’enrichissement graduel de la famille d’Eugène Eustache jusqu’à sa mort en 1925. Ces habitations étaient essentiellement tournées vers la production de sucre et de rhum… « nécessité nationale pour l’industrie de l’armement ». On rappellera alors l’installation de la 3ème usine centrale à vapeur, à Trinité, pour participer à l’essor économique du territoire.
Emile Bougenot, gendre d’Eugène Eustache… participera à la construction de toutes les usines centrales de la Martinique en tant qu’ingénieur des Arts et Métiers (un des gadzarts comme on dit…). Il ne cessera de mettre à profit ses connaissances logistiques, en tant qu’actionnaire ou administrateur.
L’installation des usines à vapeur pour la fabrication du sucre contribue alors à l’augmentation du capital familial et complète généreusement l’investissement de son beau-père. En effet, Eugène Eustache fera l’acquisition d’une quinzaine d’habitations de 1849 à 1870 pour l’Exploitation Agricole du Galion avec plus de 3 600 hectares.
Depuis 1952, les héritiers Eustache et Bougenot, nommés consort Bougenot, mèneront diverses activités pour participer pleinement au tissu social et économique… qui en découlent jusqu’à ce jour.
L’habitation Spoutourne de nos jours
Alors que l’or blanc reste dans nos mémoires, le 4X4 des savanes, appelé ainsi pour résumer la robustesse de la race brahmane, jalonne les chemins pentus de la propriété. Les murs de l’habitation chuchotent encore quand on longe la rue case-nègre, la purgerie, l’emplacement de l’ancien hôpital, le moulin… La nature a raison de nos interrogations alors qu’elle recouvre sporadiquement les bâtiments abandonnés.
Les 150 hectares de S.A.U. (surface agricole utile) développent une génétique d’avenir pour l’élevage bovin ; En même temps les fouilles récentes opérées sur les sites archéologiques de l’habitation réveillent bien des trésors enfouis.
L’habitation principale stoïque, au centre de ses vestiges, incarne par son passé la valeur du travail, la richesse de la terre et le courage des hommes. L’orientation actuelle est un réel métier d’éleveurs, avec des conditions climatiques de plus en plus difficiles.
Mais c’est aussi ce climat qui fera l’originalité du nouveau venu de l’Exploitation Agricole du Galion… le rhum de la Baie des Trésors, gorgé d’histoires et de saveurs agricoles.
Unique tout simplement. Mais c’est une autre histoire…
Texte relu par André Prosper, président de la CODEM (Coopérative Des Éleveurs bovins de la Martinique)
Enrichi par la lecture du livret « L’exploitation agricole du Galion de 1849 à 2019 » d’Emile Eadie.
Merci CAROLLE pour cet article enrichissant ; j’ai beaucoup appris entre l’histoire de l’arrivée des brahmanes et de leur intérêt pour nos éleveurs ; la coexistence entre champs de canne et ferme d’élevage vers la technologie (usine Albioma) et nous donner l’autorisation de déguster le fabuleux rhum de la baie des trésors (magnifique photo) que j’ai eu l’occasion de goûter bien avant qu’il obtienne sa médaille d’or ;
Grâce à ton article, nous aurons un autre regard sur la randonnée programmée par “rando sans frontière” !
Merci à toi Christiane pour ce retour encourageant !
C’est vrai que RSF cette année a un beau programme (comme toujours) pour parcourir les habitations du territoire ; j’espère d’ailleurs vous accompagner sur quelques sorties.
A bientôt et merci encore pour le soutien.
Merci Carolle et bonnes vacances !
A toi également Teddy et à bientôt sur la route ! 😉
Merci beaucoup Carolle.
J’ai beaucoup apprécié ton reportage.
👍🏾👏🏾👏🏾👏🏾
Merci Mario ; également pour cet article qui s’est écrit par ton soutien ; à bientôt
Félicitations 👏🏼👏🏼👏🏼
Excellent travail 👍🏼
Merci touchée par ce retour d’expert ! Bonne continuation dans ton travail de recherches
Merci Carolle !
Egalement Armelle, à bientôt
Bonsoir Madame,
Je trouve l’article très bien fait très complet ;
Excellente soirée à vous
Merci André, il s’est écrit grâce à ton interview et notre échange ; bonne continuation et courage pour le travail à venir.
Votre blog est d’une incroyable richesse et inspiration…
Il mérite d’être connu… je verrai désormais le 4×4 des savanes différemment.
Je vais courir découvrir ce trésor de la baie en bouteille…
Un grand merci familyevasion !
Merci Harold… je compte sur toi pour être ambassadeur du blog… même si la bouteille aura sans doute plus de succès lol 😉
Merci pour ce tour d’histoire agricole se transformant en tour d’élevage bovin et rhumien 😉
Oui Valérie, l’histoire est si riche en Martinique qu’il est “bon” de s’y arrêter grâce à des interviews comme celui de cet article bio nous fait comprendre un peu plus le péyi …
Merci Carole pour cet article intéressant qui nous montre l’évolution économique de la Martinique et des habitations comme celle de Spoutourne.
Oui en effet Mercator et qui s’est généralisé à la plupart des habitations, la betterave ayant remplacé le sucre des cannes…
TRES ENRICHISSANT.
MERCI.
Merci Danielle / Bonne route à toi
Carolle,
Vous m’avez permise de redécouvrir avec joie, mais aussi une certaine nostalgie, l’habitation et son environnement idyllique, lieux magiques où j’ai passé mon enfance. Votre document très enrichissant met en valeur une partie importante de notre patrimoine historique et culturel martiniquais. Je vous en remercie infiniment.
Colette (la soeur d’André)
Bonjour Colette, très touchée par votre retour et votre appréciation.
Nous avons à coeur de mettre en valeur les richesses et trésors du terroir et votre regard nous encourage à poursuivre.
Belle route à vous 🙂