Watabwi, regroupement musical de passionnés
Watabwi, en rappel au mot amérindien pour désigner le superbe coquillage, est le nom du groupe de konkist (joueurs de conques) au sein de l’association « laboratoire d’archivage de l’oralité ». Après de âpres discussions, ce nom est enfin retenu, issu alors du langage des Hommes premiers du territoire.
Un hommage à la source… Et avec 2 « w », s’il vous plaît, ralliant la consonance douce et chaloupée de la langue créole.
Sous l’égide de Thierry L’Étang (anthropologue) et Serge Domi (sociologue), Jean et Henri Pierre-Léandre (deux frères parmi les autres membres fondateurs du « laboratoire d’archivage de l’oralité ») ont été « happés » par le souffle et la recherche pour le façonnement des conques de lambi et autres strombes marins… devenus alors une véritable passion !
Eric Hillion les rejoint en 2017, après avoir été formé dans le groupe d’initiation au souffle de conque ; celui-ci se tient toujours au BÒDMÈ de Foyal tous les mercredi.
La désignation du groupe par le nom Watabwi se fait en 2000 alors qu’ils commencent à travailler avec leur référent Mr Pierre-Louis Delbois.
Pour ces défenseurs de Mémoire, plus que de simples notes, les « traces sonores » s’inscrivent dans « l’émanation d’un principe divin qui habite les consciences ».
Parti-pris de la vie
Ces mots sont d’ailleurs répertoriés dans un CD patrimonial, remarquable livre musical des plus touchants. Car la conque sonne majestueusement… et (r)appelle le Martiniquais, qui reconnait dans le son familier, la profonde solennité qui en découle.
Ainsi les codes rythmiques sont bien ancrés dans ce patrimoine musical mais aussi dans les actes quotidiens. Bien sûr, on connait l’appel des défunts, l’arrivée des pêcheurs ou le coup de senne mais aussi un signal « gagnant » pour des yoleurs affutés !
« Instrument appelant au rassemblement et symbolisant le parti-pris de la vie » … et quelle vie, dirai-je ! Puisque ce support, avec son émail étincelant, est au centre de combats et de résistances qui jalonnent un long chemin « pavé » d’hier à aujourd’hui.
Archivage patrimonial de l’oralité
Le milieu associatif avait rappelé Jean au peyi alors qu’il était animateur de Radio Mango à Paris. Ainsi en 1996, l’aventure débute alors qu’il devait former des animateurs de radios libres.
Pendant 10 années, ce musicien émérite a arpenté le territoire pour recueillir les propos rapportés sur les différents évènements livresques, les débats littéraires ou autres rencontres valorisant l’érudition martiniquaise.
Les multiples enregistrements ont alimenté alors le « laboratoire d’archivage de l’oralité » (L.A.O) et ont garanti une pérennité de la tradition.
Watabwi, section « conque de lambi » du L.A.O, porte alors une pierre à l’édifice « du développement du patrimoine immatériel de la Martinique ».
Savoir-faire pour un savoir-vivre ?
Mais le son vibre bien au-delà des mornes et des cases créoles.
En effet, Henri me précise qu’une trompette australienne (syrinx aruanus) a été trouvé dans le Queensland et serait un des premiers instruments des peuples aborigènes.
Le chemin musical était donc prévu aux croisées de l’Histoire.
De mon côté, je suis tombée sous le charme du lambi royal (ci-dessous)…
La Martinique s’inspire de cette transcendance où l’humain accompagne Dame Nature pour surmonter le quotidien. Les notes sont alors festives et se retrouvent dans la pratique du Lasotè, travail des champs laborieux mais aussi d’entraide.
Car une philosophie de vie s’intègre dans cette démarche du « Vivant » où l’Homme trouve une place au diapason d’un langage universel.
Technique de la conque de lambi
Avant de pincer habillement les lèvres sur l’embouchure de la conque, beaucoup d’heures de travail façonnent l’instrument. Depuis l’océan, le séchage, le lavage, le polissage, le meulage… et l’embellissement par les adornos si caractéristiques de la culture amérindienne font parfois un cumul de 50 heures de minutie, me précise Jean-Pierre.
Et puis on souffle, par ce son vital originel, qui se transforme au gré de la passion. Car rappelons-le, les souffleurs les plus expérimentés sont ceux qui après de longues heures d’entrainement, pourront rejoindre les rares experts d’un savoir – faire les plus extraordinaires mais aussi les plus profonds de notre passé.
De génération en génération, pour un fil conducteur humaniste et identitaire. « Pas de hasard, mais uniquement des rendez-vous » me précise alors Jean-Pierre.
Pour aller plus loin, quelques mots…
« Nous croyons que le chant peut vaincre le crépuscule. Nous le croyons parce que le conteur créole nous a appris à lever les mots jusqu’à traverser la nuit. A lever des mots jusqu’au moment où se lève le soleil. » Monchoachi
Fiche pratique Watabwi
- Association « Watabwi » groupe orchestral de souffleurs de conques marines
- Initiation hebdomadaire le mercredi à Fort-de-France (Malecon, face aux balançoires) ; horaire : 18 à 20 heures
- CD-livre Watabwi (en cours de ré-édition) – epika@gmail.com – produit par L.A.O
Maman trouve tout ça très intéressant !
Tes articles lui plaisent beaucoup !
Elle dit même que ça nous replonge dans les souvenirs !
Super Nadia pour ce retour revigorant et bonjour à la maman ! 😉
Jolie conque de lambi 👌🏽
En effet Chabine, ce coquillage est magnifique !
On devrait proposer ce sujet à l’école … excellente idée de …. laboratoire.
C’est sûr ! D’ailleurs Watabwi fait des interventions dans les écoles et collèges, sensible à la transmission… Merci.
Super l aricle. Beau partage. Merci
Merci pour le soutien Clo ! :-))
Fout’ sa bel ti son tala
Oui Erik un vrai son des mornes, à bientôt !
Très bel article Carolle.
J’aime !!!
Merci Marie, c’est Top alors !
Après la toutoune, on continue avec la conque de lambi!!!! Belle idée !
La semaine dernière, je me disais que je ferais bien de me pencher sur le sujet et me voilà exaucée !!!
Sais-tu combien de notes différentes peuvent être produites avec une conque?
@Adenet peux tu nous éclairer sur la “toutoune”. Est-ce la flûte des mornes?
Exactement!
Mais Google m’a appris que ce mot a d’autres acceptions…. Grosse femme (au Canada) ou encore femelle du chien….
De la part de Jean, dit Jano, interviewé de l’article (merci à lui !)
Sur chaque conque :
Pour un initié (e) il y a 3 octaves.
Sur la première octave on peut trouver 5 voir 6 nuances pratiquables.
Sur la 2eme octave la pratique des nuances est plus ardue
Sur la 3eme octave on peut difficilement en faire 2.
Voilà les possibles à la condition d’une très bonne pratique
Incroyable !
Je n’aurais pas pensé.
Merci Jano!
Article intéressant avec beaucoup de découvertes.
Top Jacqueline pour la découverte, vocation du blog ! Belle évasion donc…
Même si je ne suis pas superstitieuse, il y a des choses fortes, ancrées qu’on ne peut pas ignorer…..🤦🏽♀️ Même si je sais que ce n’est pas fondé 🤷🏽♀️.
…. La conque dans une maison est proscrite…..ça détruit les ménages !
Pas de conque de lambi dans une maison, ça amène le désordre… eh oui Nadette les croyances ont la vie dure ! Je laisse la parole à un psychologue pour compléter… ce que tu sais déjà 😉
« La fonction de ces superstitions est une manière d’être moins angoissé, de se protéger contre les autres, et a aussi une fonction de conservation et de protection de l’individu. Mais pourquoi cet attachement à ces vieilles croyances ? Pour se rassurer, répond Errol Nuissier, psychologue, qui explique que les superstitions sont présentes chez nous, car nous attribuons souvent ce qui nous arrive aux facteurs extérieurs. « Dans notre société, culturellement, nous éduquons nos enfants dans la peur du devenir… Or, nous devrions les élever dans la culture du risque et dans la croyance en nos propres forces et capacités. L’influence de l’éducation est prépondérante. » En croyant que tout dépend du sort, nous transmettons des peurs infondées à nos enfants et donc aux générations futures… ».
Je t’en livre quelques autres que tu connais aussi bien que moi…
– Ne pas balayer après 18 heures, sa ka ran moun
razèrazwè.– Prendre un bain de feuillage le premier vendredi du mois contre le mauvais sort.
– Les criquets marrons apportent de mauvaises nouvelles en revanche les verts amènent de l’argent
– Une Libellule dans une maison annonce une visite.
Pour la conque de lambi, Nadette, j’imagine l’appréhension… Celle que le doux son de l’instrument appelle une sirène avec le pouvoir enchanteur que l’on connait… au détriment de l’épouse ? Imaginons…
Merci à toi pour cette interrogation sur le chemin de la Vie 😉
Tout cela fait réfléchir en effet.
Merci beaucoup.
Je crois que je vais me laisser séduire alors
Mon compagnon me dit qu’on ne balayait pas après 18h avant, car il n’y avait pas d’électricité et qu’on risquait de jeter des affaires (argent ou autres) sans s’en rendre compte
Oui … on trouve toujours de bonnes raisons pour expliquer nos gestes… 😉
Merci pour ce partage 🙂
À quelle heure a lieu ce rdv du mercredi, Carolle ?
Le groupe Watabwi s’est adapté… de 18 heures à 20 heures, selon le couvre-feu du moment ; salut Jano de ma part, il sera ravi de t’expliquer ce que je n’ai pas pu noter dans cet article !
Effectivement il faut avoir du souffle !
Si je me trompe pas ce sont les quai de Fort de France !!
Oui Marie-José, appelé aussi le Malecon près de la plage nommée la Française… Vous ne pourrez pas les manquer !
Bien tout ça.
Mais on peut les écouter où qu’elle heure ? Une adresse précise ?
Oui pour l’adresse : le Malecon à fdf le mercredi à 18 h, en face des balançoires… Cf fiche pratique, merci à vous !
Coucou
J’avais oublié de te demander : que signifie razè dans sa ka rann moun razè ?
Notre ami Roger – Gabriel te répond Clara (merci à vous deux) :
Je pense que la bonne formule c’est « sa ka rann moun razwè ».
Man razwè : je suis fauché.
Balayer le soir (et surtout jeter la poussière) te rend pauvre… et si jamais tu dois ABSOLUMENT balayer, tu ne jettes pas la poussière, mais tu la mets dans un coin, jusqu’à demain matin !
Merci Caro,
Très intéressant, beaucoup de choses à apprendre.
C’est un travail extraordinaire 🐚👌🏽
Merci encore infiniment pour tout ce que tu fais.
Merci à toi pour tous ces encouragements qui nous portent à continuer…
A toi aussi Chapeau pour le travail effectué sur FB avec Madinina ti peyi mwen !
A bientôt
Bravo pour ton article : je te trouve un regard d’ethnologue !
c’est bien d’enregistrer ces coutumes pour les jeunes.
J’espère que les jeunes (et les moins jeunes…) trouveront leur histoire inscrite dans ce blog, car beaucoup de courants traditionnels disparaissent ; Et en effet c’est une belle richesse et réelle transmission que les rencontres permettent de partager.
Merci Françoise pour ce retour.
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