Techniques de validation, une méthode pour garder le lien…
Vivre auprès d’une personne âgée désorientée est si déroutant, que s’appuyer sur les « techniques de validation » de Naomi Feil, permet une approche encourageante et rassurante pour cheminer auprès et avec l’Aidé.
Il s’agit d’une méthode de communication qui repose sur des principes généraux.
Personne unique, nous le sommes et le resterons. Même si la maladie transforme la perception que nous avons d’un être cher ou d’un patient hospitalisé, ou d’un résident… il reste dans son unicité d’être, avec tout le respect que l’on lui doit.
Dans ce sens, l’écoute empathique crée la confiance, et réduit l’anxiété d’une personne qui souvent a perdu son chemin identitaire.
« Tout ce qui fait » qu’il s’oriente, qu’il assume ses gestes quotidiens, qu’il agisse librement au sein de la société… se réduit par la maladie à des ombres ubuesques, des passages à vide et des interrogations douloureuses.
Comment agir dans ce gouffre de désespoir ?
La constatation est simple ; quand parole et mémoire s’estompent, les comportements appris pendant l’enfance réapparaissent. La libération des réflexes archaïques par le développement des cellules malades en est l’origine.
Aussi on observe chez nos parents ou aidés, des stéréotypies gestuelles (ouvrir son sac à longueur de journée…), un succing (sensation de téter…) voire un grasping (agrippement poing serré). Cela correspond aussi à l’évolution de la maladie avec la propagation des cellules lésées (plaques séniles et dégénérescence neuro-fibrillaire).
Inutile de demander de cesser cette programmation… il s’agit d’automatismes ancrés dans la « logique d’Être » depuis la naissance. Aussi la technique de validation est d’accompagner ces comportements inhabituels qui rendent notre proche parfois méconnaissable.
La douleur d’être atteint dans ses fonctions cognitives est sans doute incommensurable… Je la compare souvent « à être perdu en pleine mer, dans un espace étranger, à la dérive de forts courants ». Étant nageuse, c’est ce qui me vient à l’esprit…
Alors ne pas essayer de changer l’autre, qui se bat pour survivre, mais juste lui donner la main pour le guider vers l’issue fatale de la maladie.
Quand la mémoire se perd…
Aussi quelques techniques permettent d’« entrer en contact » avec un individu désorienté.
Utiliser des questions ouvertes, qui commencent par « qui, que, quoi, où, quand ou comment » engage la conversation. En laissant le « pourquoi » de côté car trop intrusif.
Une question fermée à laquelle on répond par « oui ou non », n’amène pas la personne à échanger « pleinement ».
Reformuler est aussi un moyen de « calculer » l’autre (comme dirait les plus jeunes !). C’est lui montrer que l’on fait attention à elle et à son environnement voire à ses besoins.
Sans l’intention d’infantiliser la démarche mais pleine d’émotions.
Pour sonder les limites (souvent perdues…), on questionne les « extrémités » par « toujours, jamais, combien de fois, souvent… ? ». Ainsi on nomme une quantité qui est floue au quotidien.
Et « explorer l’opposé » si la personne est en début de maladie neuro-dégénérative.
En exemple, si une personne malade accuse l’auxiliaire de vie de voler ses bijoux… “ah bon ? elle fait ça souvent ?”
“Elle prend tout ou une seule chose ?”
“Et y – a-t-il des moments où elle ne prend pas de choses ?”
L’idée n’est pas de négativer la perception de vol, mais par le dialogue d’amener à la réalité des faits… sans aucun préjudice lié au professionnel de santé.
Toutes les mémoires ne sont pas atteintes au même moment …
Pour la validation, l’Aidant accueille la parole, le geste, l’émotion… de l’Aidé en reconnaissant que ce comportement a du sens, pour lui même s’il n’est pas compris.
On valide alors le souvenir autobiographique, « bourré » d’émotions liées au vécu.
C’est une mémoire qui perdure et qui anime le regard de l’Aidé. De là est né d’ailleurs le livret Mémo’aid, outil qui remémore les lieux, les saveurs, les traditions… « Te souviens-tu du jour, où nous sommes allés… à la baie du Marin ? » « La calebasse ou la bakoua…tu t’en rappelles ? »…
Egalement faire appel à la résolution de problèmes en s’appuyant sur le « possible » du passé. Ex : « Quand il y a trop de bruit (souvent des hallucinations auditives), autrefois on utilisait les boules Quies… alors pourquoi pas aujourd’hui ? Des enfants dans la maison (hallucinations visuelles), pourquoi ne pas les promener ? »…
La vie intérieure, plus riche que jamais
Quand les cinq sens s’altèrent, la personne âgée utilise ses sens intérieurs.
S’adresser à une patiente désorientée s’ouvre sur le champ des sens… et celui préféré de l’interlocuteur pour le conforter.
S’il est visuel (je vois ce que tu veux dire…), auditif (j’entends ce que tu veux dire…), kinesthésique (je sens ce que tu veux dire…) ou cérébral (je pense bien ce que tu veux dire…), il serait au mieux de s’adresser selon le canal le plus sollicité.
Quand les difficultés de langage apparaissent…
Le contact devient alors primordial.
Le contact visuel bien sûr, mais aussi physique si cela est possible.
Il s’agit d’une des premières mémoires que nous avons reçue à notre naissance.
Le toucher … celui aussi qui recrée l’ambiance des échanges (en exemple la joue pour la mère, la tête pour le père, les épaules pour le compagnon, ou ami…).
Ce sont des ancrages vécus dans nos différentes périodes de vie et qui apaiseront certains.
Accorder sa voix à l’autre, refléter une posture (« faire un miroir »), exprimer avec un juste ton le ressenti de la personne (la colère, la peur…) pour essayer de désamorcer une situation d’agitation, de martèlement, de pleurs…
Quand les phrases sont inintelligibles, on reformule « ce que l’on pense avoir compris » même d’un jargon inaudible. Car souvent les mots sont accompagnés de gestes démonstratifs … et cela peut nous faire décoder l’idée.
Le mouvement est aussi un mode d’expression : des besoins physiologues, de sécurité, de sexualité, de reconnaissance…
Il s’agit alors de se connecter à l’essentiel ressenti par l’Aidé… dans la mesure du possible.
Sur les chemins noirs…
Enfin je conseille deux choses pour cheminer sur les « chemins noirs » de la conscience…
Chanter pour s’exprimer, partager, animer… et mettre de l’humour LÀ où « les portes semblent fermées ».
Sachant que l’aidant familial ou professionnel vit un tsunami émotionnel que seule une formation pourra soulager, là où les blessures restent inextinguibles et non mesurables.
Résumé des techniques de validation selon Naomi Feil
- Se centrer (pour favoriser la rencontre de l’autre)
- Observer (état émotionnel de la personne)
- Trouver la distance appropriée
- Se mettre en empathie
- Utiliser des techniques verbales et non-verbales
- Terminer la rencontre sur une note positive
Pour aller plus loin…
Livre : La méthode de Naomi Feil, à l’usage des familles – Vicki de Klerk-Rubin – Edition Lamarre
Formation : http://vivre-alzheimer.fr/validation-naomi-feil/
Merci pour ces savoirs partagés, tellement utiles pour rester dans nos missions, et même pour vivre avec l’autre tout simplement!
Merci à toi Sandrine !
Je pense comme toi que les techniques de communication dont celle de Mme Feil, serait au mieux pour comprendre et échanger avec l’Autre…
A bientôt
Merci pour ce partage, on en apprend tous les jours et ce post est très intéressant afin de mieux aider et accompagner les aidants.
Merci Grégory, oui une méthode qui peut apporter un plus dans la relation de chacun…
Belle route à toi.
Quelle sagesse de commencer à regarder l’autre avant d’entrer en contact. C’est d’ailleurs les prémices de la communication. En lisant cet article je me remémore le film “l’homme qui parlait à l’oreille des chevaux”.
Prendre le temps de s’approcher de l’autre est une communication constructive et riche d’émotion.
Un grand bravo aux aidants, un grand “bô” à nos aidés.
Merci Valerie pour ce témoignage…
Oui quel beau film cité… et instructif.
Prendre son temps, voilà bien quelque chose qui semble un peu perdue en ces temps “embrouillé”.
Bien à toi !
Aidé ou aidant … Dur dur … On s’y retrouve sans s’y attendre et sans yêtre préparé…. alors on improvise …
Bon courage à tous sur ces chemins noirs de la vie.
Oui Clara, nous le serons tous… ou nous l’avons été.
Belle route à toi.
Article intéressant qui donne de belles pistes pour accompagner un proche.
Les conseils et les techniques sont à prendre en compte pour une meilleure communication et empathie.
Merci Mercator, si cela peut aider… nous en avons tous besoin et s’appuyer sur cette méthode enseignée (3 année d’études) peut soulager le binôme Aidant/Aidé en effet.
Belle route à toi.
Très intéressant…
Dommage le livre est indisponible !
C’est vrai que la deuxième édition est épuisée… Mais les formations existent et bien sûr les associations peuvent accompagner au mieux également.
A bientôt Marie Hélène
Tant de souvenirs refont surface…
La nouvelle génération est mieux informée, possède plus de moyens techniques, mais la maladie joue “des tours” et évolue de manière surprenante et si différente d’un individu à l’autre. Merci petite sœur pour toutes ces informations 😘
Oui Petite Soeur… Les souvenirs sont bien vivants… et heureux aussi.
Il est réel que les aides et informations pour les Aidants sont plus présentes et diffusées. Mais il y a tant de défis encore à relever… en attente d’un traitement réaliste.
A bientôt sur la route.