Deuil d’un chien : peut-on l’expliquer par la raison ou par la science ?

Lorsque l’amour sort du caniveau …

Une truffe dans le ruissèlement du caniveau …

Les yeux clos, cette forme méconnaissable au premier abord, me fait piler sur le frein. Il est tôt le matin et la journée s’annonce aventureuse.

Ainsi elle commence par la chaleur d’un chiot dans les bras que l’on nommera Roméo.

Bien souvent sifflé plus intimement Romy.

Pas de biberon sous la main et pourtant ce « petit berger créole » nécessite ses premiers soins. Le regard encore inexistant ne lui permet pas les repères d’un monde encore trop grand pour lui. Et les forces lui manquent pour avancer sereinement sur le chemin de ses quatre pattes tremblantes.

Alors dans un doigt ganté percé, ingénieusement le lait est aspiré par cette petite bouille qui ne demande qu’à sucer.

Tétées après tétées, ronflements après ronflements et balades après balades, un chiot d’un caniveau est devenu un amour de chien.

Sa promesse – à nous – était de vivre, notre promesse – à lui – était de le faire vivre …

Le cadeau d’un chemin commun.

Un lien à deux, après le silence des biberons 

Les secrètes histoires d’amour n’ont pas les mots pour décrire tendresse, regard ou intention. Surtout qu’un chien reste dans son monde canin, si proche et si lointain de l’humain.

Un lien indicible depuis l’origine des temps…

Pourtant l’histoire s’inscrit, se peaufine et se faufile :

Par un tissage d’instants qui construit une mosaïque de complicité.

Par un ancrage de présents qui créé un mélange d’intensité.

Par un paysage de firmaments qui édifie un chemin de responsabilité.

Le lien entre deux êtres – que la gente humaine sépare de facto – se bâtit ainsi profondément :

  • par une respiration partagée (si l’un court, l’autre ne halète pas très loin),
  • par un panorama commun (si l’un contemple, l’autre prospecte tout proche)
  • et par une attente perpétuelle derrière la porte (si la clef tourne, l’autre signale des retrouvailles attendues).

Le temps file pour chacun…

Simplement l’espérance de vie d’un chien n’est pas la nôtre.

Aussi Lucky, Jessie et bien d’autres ont cheminé des années à nos côtés et ont regagné le monde éthérique des nuages.

Molly, Mila et Joyce sont aujourd’hui les présents.

Pout autant la douleur se creuse, se tapit incommensurable au quotidien. Elle qui nous fait percevoir si souvent « ce n’était qu’un chien ».

Oui on le sait et on se raisonne : « un chien ».

Mais n’est-il pas un compagnon précieux ?

Celui qui marche sans cesse à nos côtés, qui imite, qui suggère …

Celui qui joue sans répit, qui attend, qui apporte …

Celui qui donne sans compter, qui encourage, qui impose …

Pendant dix ans ou presque, il est l’ombre de nos pas, le flair de nos empreintes. L’attente de notre retour.

N’est-ce pas simplement cet ami que l’on imaginerait ?

D’ailleurs la science y répond : selon une enquête de RSPCA, 60 % des personnes interrogées considèrent leur animal comme un membre de la famille, et 32 % comme meilleur ami.

Des questions en boucle … au-delà d’une simple relation ?

Le voyage de Romy s’est déroulé lentement (sur 6 mois) pour un chien qui n’avait pas atteint son espérance de vie … 9 ans c’est « encore jeune ». Les allers retours chez le vétérinaire nous fendaient le cœur mais apportaient quelques embellies tant souhaitées.

Lutter à contre-courant ne se fait pas indéfiniment. La maladie, comme on le sait, l’emporte à force de butoir, décisif à un moment donné. Impitoyable.

Maintes questions existentielles ont alors jalonné notre douloureux présent. Et des points d’interrogation ont supplanté un temps qui ne nous appartenait plus.

Que penser de l’euthanasie d’un proche ?

Doit-on franchir cette barrière du droit de donner la mort… ?

La souffrance doit-elle être abrégée ou pas… ?

Quel sens donner à cette relation … ?

Pourquoi accorder autant de place à un chien ?

En quoi, le chien ressemblerait-il à l’homme ?

En fait, l’homme et le canidé présentent de nombreux mécanismes neurobiologiques similaires. Ainsi le chien possède une aire cérébrale dédiée aux sons au même endroit que notre cortex auditif. Et cette région réagit de la même façon aux émotions en détectant des variations dans les vocalisations.

Mais chez l’humain, une région du cerveau a montré une meilleure sensibilité aux sons canins qu’aux sons humains ! Surprenant aussi, le chien peut développer des troubles psychiatriques similaires aux nôtres, comme la phobie sociale ou la dysthymie.

Au cours du processus de domestication (au moins 15 000 ans), une sélection intentionnelle s’est d’abord opérée sur les loups les plus dociles.

Puis une sélection directe s’est opérée sur des gènes rendant le canidé de plus en plus docile.

Enfin le chien a acquis la capacité à aboyer, développant toute une panoplie de sons en fonction des émotions auxquelles il fait face.

La communication se fait aussi par les traits de la face. Ainsi les chiens possèdent un muscle responsable de l’élévation du sourcil, absent chez les loups.

Sa contraction donne une aptitude à faire des « yeux de chiots émouvants ». Selon les chercheurs, ce caractère est devenu sélectif pour la conception des générations futures.

Le chien est donc une espèce façonnée par et pour les humains.

Sa présence a facilité l’accès aux ressources alimentaires en aidant pour la chasse, il nous a protégés de nos prédateurs naturels… ce qui a augmenté nos chances de survie dès la préhistoire.

Donc une histoire indélébile écrite depuis la nuit des temps …

Un deuil pas comme les autres …

Une fois parti, Roméo reste présent.

Il est là sans l’être. Et toutes les personnes qui tissent un lien intime avec leur animal le savent. La présence dans l’absence. La dépendance à deux n’est plus …  Depuis peu, ce lien est honoré le 27 octobre « consacré aux animaux défunts ».

Celui qui jappait à notre arrivée, celui qui aboyait à l’entrée du portail, « celui qui … » a fermé les yeux, là où il les avait ouverts, près de nous. Dans un dernier effort, il nous a rejoint pour vivre son dernier souffle. Les yeux dans les yeux.

Un cadeau dans la douleur embuée. Géométrie émotionnelle pour un cœur qui ne comprend pas bien les angles… d’une ligne droite trop rapidement interrompue.

Ce que la science nous dit pour le deuil d’un chien …

La science (le monde cartésien appelé à la rescousse) confirme bien ce port d’attache vécu à deux. Ainsi les chercheurs décrivent un attachement animal-humain comme d’un « lien de caregiving », comparable à celui d’un parent et de son enfant. Et le Psychological Science en 2015 a démontré que le cerveau humain réagit à la vue de son chien avec les mêmes zones d’activation que pour un enfant aimé.

Enfin pour approcher la douleur réelle de ceux qui la porte et niée pour la plupart des bipèdes, qui ont bien d’autres préoccupations naturelles à surmonter, une étude du Death Studies a montré que le deuil d’un animal (surtout si le lien est précoce) active les mêmes processus émotionnels que le deuil d’un proche humain.

 Toujours ces mêmes scientifiques écrivent que la mémoire olfactive et émotionnelle du lien animal persiste au-delà du deuil dans le cortex pré-frontal – c’est-à-dire dans le territoire où se logent des fonctions sociales telles la tendresse et la fidélité.

Ainsi Romy, la science avec sa lumière, apporte quelques notions pour ce chemin qui a dessiné entre nous des empreintes inaltérables. Aussi je te souhaite un merveilleux voyage « mon petit prince » … et saches que tu resteras à jamais ce que tu ES.

Fiche pratique « Deuil d’un chien »

Quelques repères pour oser cheminer :

  • S’autoriser à vivre cette douleur incompréhensible pour certains : il est légitime de pleurer, de ne pas oublier en « passant à autre chose », de sentir sa présence.
  • Garder des repères qui restent précieux : une photo, un parcours habituel, des objets qui laisseront la place à d’autres quand ce sera le moment, votre moment.
  • Exprimer le lien vécu: un emplacement qui lui est dédié dans le jardin ou ailleurs, une lettre écrite ou un passage pour poser des mots (sans doute ce que je fais …), des paroles envolées pour libérer votre émotion.
  • Chercher du soutien: en parler à ceux qui comprendront votre peine, et des livres sont orientés pour partager cette douleur si singulière. Comprendre que la source d’amour, véhiculée entre deux êtres, n’a rien de honteux mais vous hisse dans cette empathie universelle, du respect du vivant.
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    • Adenet
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Bonjour Carolle,
    J’ai lu ton article avec beaucoup d’intérêt. Il est très bien écrit (comme toujours) et très riche en informations que je n’avais pas. Je vais le partager avec quelques uns de mes proches qui se retrouveront forcément dans cet article.
    Merci pour le travail.

    • Adenet
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Ps : j’aime bien la 8eme photo (fondu blanc) et la dernière (très bien placée dans le texte car elle évoque le voyage)

    • Domi
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Bonjour Caro !!!
    Vraiment vraiment !!!
    Quelle énergie !!!
    Très émouvant l article
    J’ai reconnu ton chien
    Allez Doudou !!!
    Pliss foss !!!
    😘😘😘😘

    • Defoi luce
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Bonjour Carole,
    J’ai lu ton article via Clara et j’ai vraiment apprécié.
    On en apprend tous les jours.
    Ce sont vraiment des amis adorables qui nous donnent énormément d’informations si l’on se met à leur écoute.
    Il ne leur manque que la parole.
    Ils sont tous singuliers et aucun ne pourra remplacer la perte d’un autre.
    Signe commun: fidélité.
    Merci pour ce partage !🙏🏾

    • Katy
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Excellent …

    • Elodie
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Merci Carolle pour cet article. Il m’a profondément touchée. J’ai perdu ma princesse 🐈 il y a quelques semaines seulement, et tes mots ont tout particulièrement résonné en moi. Je suis aussi sincèrement désolée pour ta perte. Le lien qui nous unit à nos animaux est vraiment merveilleux, et tu as su le traduire avec beaucoup de justesse.✨

    • Angèle
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Coucou ! Magnifique, j’ai eu les larmes aux yeux …😥 Bon courage les filles dans ces épreuves difficiles… Le petit Roméo a eu une vie digne de ce nom remplie d’amour et de bienveillance grâce à vous 🥰

    • Liline
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Coucou,
    Je vais l’envoyer à ma mère car elle a perdu son chien dernièrement ;
    Et moi mon petit loup noir, il y a sept ans maintenant …

    • francoise
    • 6 novembre 2025
    Répondre

    Vous l’ avez vraiment “eu” tout petit ! Un don du ciel !on sent ton attachement et ton amour pour lui.qui reste : une absence pour une présence… comme pour les humains.tres intéressant de connaître les raisons scientifiques,les aires du cerveau.. étonnant ! Mais de toute façon, l’ amour s explique t il ?

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