Berger créole … un chien mal aimé ?

Mila, berger créole aux abois

Encore un chien dans le jardin… !

Régulièrement ils visitent les lieux, sans doute attirés par les odeurs de Molly (berger australien) et Romy (berger créole ou berger de canne), nos deux protégés canins. Lucky, le vétéran 12 ans vient de nous quitter…

Cette “boule de poils” (pas trop quand même) arrive en catimini et nous émeut à s’aplatir par terre dès notre approche.

Apeurée, maltraitée elle a dû s’enfuir portant encore les blessures d’un collier trop serré. Après différentes recherches, sans maître connu, nous lui proposons de partager la couche des deux autres « quatre pattes »… Je précise car il y aussi des « deux pattes ».

Ainsi Mila sera nommée… à la truffe trop craquante !

Histoire ancienne en Martinique … de domination

Les différents chiens importés lors de la colonisation ont contribué à la création de cette race. Au début du 17^ème siècle, les 1ers chiens devenus sauvages pour la plupart (alors appelés les chiens marrons « cimarron ») causaient de graves dégâts en s’attaquant aux animaux d’élevage.

Les chiens dits domestiqués étaient alors des chiens d’attaque qui aidaient les propriétaires d’esclaves à les « surveiller ». Les fugitifs étaient traqués par ces chiens. Ainsi, cette période a contribué à associer l’animal canin aux rapports de haine et de violence. La mémoire collective en porte de nos jours les empreintes.

Et même si la peur a diminué en Martinique, la méfiance peut se solder par un Mach qui somme de déguerpir ! ou un lancer de pierres…

Berger créole, d’où viens-tu ?

Une race primitive (seule sans l’aide de l’Homme !) voit alors une domestication progressive depuis le début du 20ème siècle.

Le chien ou berger créole est à l’origine un chien errant qui s’accouple au fil des générations dans les îles caribéennes. Mais aussi en Guyane, Océan indien… là où la langue créole est parlée. L’ appellation la plus distinguée (dit-on) de cette race est le Royal Bourbon (en référence à l’Ile Bourbon, nom de l’ile de la Réunion avant la Révolution).

Par un croisement répété de chiens de races différentes, la race berger créole est donc dite « homogène » avec des caractéristiques assez communes (trapue et musclée parfois !).

Caractéristiques du chien créole

Robuste, fidèle, doué d’une grande faculté d’adaptation à son environnement, débrouillard sont de belles qualités qui font de lui un chien bien attachant. Aussi très affectueux…

Sa morphologie s’apparente à celle du chien de berger, d’une taille moyenne de 15 à 20 kg, à poils courts dont la robe varie du sable au noir. Nez allongé, costaud…

Par contre craintif, il manque de confiance en lui… C’est sans doute pour cela qu’à notre approche, Mila se retourne sur le dos, 4 pattes en l’air, fuyant notre regard… recroquevillée sur elle-même.

De jour en jour, elle s’est pourtant bien intégrée au duo préexistant et joue maintenant facilement avec ses aînés ; c’est d’ailleurs elle qui donne la cadence (une vraie pile sur pattes !), à l’affût du moindre mouvement et fait des sauts de kangourous (ou presque !) ; elle se donne entièrement à la lutte du jour, le jardin devenant une arène fictive.

Après ? Un repos mérité !

Elle sait aussi très bien s’arrêter quand Molly lui indique sa fatigue… à tirer la langue par terre !

Quant à Romy, le plus souvent c’est l’arbitre… en gentleman distingué.

Superstitions et croyances

Alors que des ossements de chiens accompagnent les sépultures amérindiennes, une fonction symbolique de passeur entre le monde des vivants et des morts peut être évoquée pour cette culture.

Par contre, les légendes créoles n’épargnent pas le monde animal et en font des acteurs parfois malheureux parfois plus chanceux. Ainsi le chien créole serait une âme maléfique d’une personne décédée qui n’arriverait pas à rejoindre l’au-delà.

Alors que le chien fer détiendrait des pouvoirs magiques.

De nos jours encore, certains pensent qu’il est bon d’avoir un chien créole attaché devant sa maison pour éloigner les mauvais esprits.

Des croyances, qui traversent des siècles et des océans, se rattachent aussi à cet animal ;

Ainsi si un chien vous fixe du regard en plein repas… vous attraperez un clou à l’œil (un orgelet). Seule issue, lui lancer une miette et le chasser !

Et si un chien pleure… il annonce un décès dans le voisinage.

Race reconnue un jour ?

Ni la Société Centrale Canine (fondée en 1881) ni la Fédération cynologique internationale (créée en 1910) ne reconnaissent le berger créole comme race pure puisque c’est un croisement de race, d’où la variété des créoles.

Chaque race est cataloguée en fonction de leurs caractérisques précises et des standards officiels. Des juges spécialisés ou des structures associatives gérent ces catalogues.

Il n’y a aujourd’hui que 300 races reconnues par la FCI et pas nos toutous créoles… qui le seront sans doute jamais.

Mais Mila ne s’en soucie guère…

Finissons par quelques proverbes

Dans la vie courante le chien appartient aussi à l’imaginaire qui regroupe nombre de conseils à suivre ou pas ? 😉

• « Bien épi chyen, canari couvè » : la prudence ou méfiance… on est bien avec son chien, mais on couvre la marmite
• « Tiré chik an pié chyen, i ka mandé’w kous kouri » : l’ingratitude… on soigne le chien, mais il nous gagne à la course
• « Chyen pa lé ban-nan, mé i pa lé poul la pren’y » : l’égoïsme… le chien ne veut pas de banane mais refuse que la poule la prenne.

Pour aller plus loin 

Article et interview de Claude Vilo, auteur d’un mémoire : Le chien dans la société martiniquaise.

Et Merci pour la photo de Saphyr, dont il est question dans les commentaires … une princesse guadeloupéenne !