La dépression : mieux comprendre pour mieux accompagner … ?

Chiffres concernant la dépression 

A ce jour, 3 millions de personnes sont diagnostiquées en France alors que 8 millions ont été touchées.

De façon générale, 1 personne sur 6 est atteinte de ce trouble de l’humeur en Martinique ou en Guadeloupe ; En comparaison 1/10 en métropole.

Si l’on compare les tranches d’âge, il y a cette même courbe : en Martinique, entre 15 – 75 ans, 15 % souffrent de dépression, contre 10 % en France métropolitaine.

Pour les plus âgés (> 75 ans), 1 senior sur 4 aux Antilles contre 1 sur 6 dans l’hexagone.

Quelles en sont les modifications biologiques ?

Un dérèglement de la production et de la capture de 3 neurotransmetteurs est à l’origine du développement de l’épisode dépressif majeur.

  • Sérotonine qui a pour fonction d’équilibrer le sommeil, l’appétit et l’humeur
  • Dopamine, responsable de la régulation de l’humeur et de la motivation
  • Noradrénaline qui gère l’attention et le sommeil

Quels sont les symptômes d’une dépression ?

Ils sont regroupés dans le tableau ci-contre. Si la tristesse est quasi-permanente, elle s’exprime différemment selon l’éducation, le genre ou la culture… Les pleurs ne sont pas obligatoirement exprimés et peuvent être remplacés par des douleurs somatiques, une irritabilité chez nos aînés. La culpabilité n’est pas au 1er plan comme les plus jeunes peuvent l’échanger, mais un ralentissement psychomoteur peut apparaitre.

Un repli sur soi est possible et doit alerter les proches : des habitudes de vie (aller à la messe, visiter son voisinage…) qui ne sont plus honorées marquent un temps d’arrêt sociétal. Un désinvestissement de son quotidien peut amener à consulter.

Repérer une dépression est souvent plus difficile chez les seniors qui ont plutôt tendance à se plaindre de troubles de la mémoire ou de l’attention, faisant craindre une maladie neuro-dégénérative par exemple.

Sachant également que le deuil n’est pas considéré comme étant un épisode dépressif caractérisé. C’est une étape « normalisée » de notre psychisme, avec des étapes presque synchronisées.

L’état de deuil est une réaction d’adaptation à une perte significative qui ne doit pas être considéré comme un état pathologique.

Symptômes d’un épisode dépressif caractérisé
Au moins 2 symptômes principaux :

  • humeur dépressive ; tristesse
  • perte d’intérêt, abattement
  • perte d’énergie, augmentation de la fatigabilité.
Au moins 2 des autres symptômes :

  • concentration et attention réduite
  • diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi
  • sentiment de culpabilité et d’inutilité
  • perspectives négatives et pessimistes pour le futur
  • idées et comportement suicidaires
  • troubles du sommeil
  • perte d’appétit.

 Quelle est la différence entre l’anxiété et la dépression ?

Alors que les patients présentant une dépression vivent une détresse significative, un changement ou évènement par rapport au fonctionnement antérieur (professionnel, social, familial) avec un sentiment de tristesse, l’anxiété ressemble plus à une peur ou une sensation d’angoisse qui peut avoir un support phobique.

L’une ou l’autre peut exister de façon chronique et engendrer un évitement social conséquent. L’humeur dépressive est plus comparée à des facteurs intrinsèques (liés un passé / perte d’un être cher), alors que l’anxiété pourrait s’inscrire possiblement dans des éléments extérieurs (liés au futur / rencontre d’une personne indésirable).

Alors que l’anxiété est une émotion physiologique (normale) et est souvent adaptative face à l’environnement, elle devient pathologique si elle est trop intense.

C’est une crainte tournée vers le futur, sans objet ou disproportionnée.

Chez la personne âgée, se méfier des ruptures sociétales 

Alors que le passage à la retraite est tant espéré pour certains d’entre nous, il peut correspondre à une rupture sociale, d’autant qu’un poste à responsabilité était occupé.

Un manque d’interactions sociales, une solitude voire un isolement peuvent alors surenchérir un tableau vulnérable, lié au vieillissement naturel.

N’oublions pas que les maladies chroniques, les déficiences organiques (douleurs articulaires, glaucome ou cataracte, surdité…) peuvent renforcer une tristesse ressentie.

Les revenus sont aussi à l’ordre du jour puisque parmi les 20% des Antillais les plus défavorisés, près d’1 sur 5 présentent des symptômes dépressifs, contre 1 sur 10 parmi les 20% les plus aisés.

Les antécédents et survenue d’évènements sont bien sûr à prendre en compte et même la mémoire collective, liée à des traumatismes de l’Histoire ont un poids conséquent socio-environnemental et culturel. Aussi l’entourage proche pathogène, voire une ambiance de contagiosité suicidaire, est à souligner. Et une personne âgée aura tendance à laisser une lettre, un écrit … pour expliquer son geste.

Différents stades de dépression

Les spécialistes s’aident d’échelle (BECK 96, MADRS, BDI-II, Score de HAMILTON, test de Corneuil (si troubles cognitifs) etc… ) et de classification (CIM-10 de l’OMS ou DMS-5) pour repérer le danger de la dépression avec un acte ultime. En effet le suicide est l’urgence à éliminer.

Si des idées suicidaires (planifications, intentions ou violences), des symptômes psychotiques (hallucination, délire, automutilation) ou encore une incapacité à maintenir les activités quotidiennes : hygiène corporelle, alimentation, etc.une hospitalisation en milieu spécialisé est souhaitable.

L’imagerie cérébrale ou IRM fonctionnelle

Aujourd’hui les nouvelles technologies nous décrivent les réseaux hémisphériques qui interviennent dans ce déséquilibre de l’humeur. Des zones corticales sont bien identifiées dans les fonctions sociales et cognitives du cerveau, ce qui fait espérer des interventions directes et dirigées (stimulation cérébrale profonde) selon l’imagerie.

En effet, le cortex médial préfrontal joue un rôle dans la tristesse et l’auto-dévalorisation de soi, le cortex dorsolatéral préfrontal gauche est impliqué dans la mémoire de travail; Et le précunéus est associé aux ruminations.

Et le cortex cingulaire ventral a un rôle dans la sensibilité aux signaux d’exclusion sociale, un facteur clé dans le déclenchement d’un épisode dépressif majeur.

La prévention de la dépression, est-ce possible ?

Des évènements douloureux jalonnent de façon inextricable notre parcours de vie (les problèmes de santé, la perte d’un être cher…). Pour autant, faire face est l’indispensable pour « rester debout ».

En amont des comportements simples peuvent alléger un sac à dos qui se remplira par la vocation de la vie elle-même. Donc booster nos hormones du bonheur au quotidien nous fera espérer un ancrage d’autant plus important, que les turbulences seront fortes.

Une hygiène de vie pour équilibrer notre humeur

  • Activité physique régulière : production par le cerveau de certaines substances chimiques (endorphine et sérotonine) qui ont un effet positif sur l’humeur et le niveau d’énergie.
  • Alimentation équilibrée : favoriser des aliments riches en oméga-3 (oléagineux + poissons gras) et fruits ou légumes frais
  • Prendre l’airlumière du soleil (luminothérapie / dépression saisonnière. Utiliser des sources de lumières(lampes avec filtre pour les rayons ultraviolets si absence d’ensoleillement).
  • Suppléments de vitamine D (en cure).
  • Avoir une vie sociale épanouie (monde associatif pour les aînés) et enrichir nos centres d’intérêt (ikigai des japonais !)
  • Éviter les abus d’alcool et de drogues / substances dépressives pour le cerveau.
  • Avoir des habitudes de sommeil (sept heures par nuit).
  • Techniques de méditation et de relaxation (yoga ; sophrologie) ; cohérence cardiaque et autres expériences respiratoires ; hypnothérapie ; sans oublier la médiation par l’animal.
  • Petites médailles d’or à cultiver (nos petits succès) et pensées positives

Quel comportement adopté vis à vis d’une personne déprimée ?

 Poser des questions, l’encourager à partager ses émotions (si cela ne lui est pas trop difficile).

 Ne pas minimiser la gravité des problèmes

 Essayer de ne pas utiliser des phrases bateaux « sois positif » « tu as tout pour être heureux » etc …

 Souligner les points forts de son existence ou les améliorations notables.

 Multiplier les visites pour lutter contre un isolement qui majore le “face à face”.

 Rechercher facteurs de protection (raisons positives de vivre, soutien social fort).

Comment traiter une dépression ?

Ce paragraphe ne peut aborder l’ensemble des prises en charge ; nous en aborderons quelques-unes …

En premier, la médication allopathique, utilisé comme inhibiteur de la recapture de la sérotonine : sertraline (Zoloft) ; escitalopram (Seroplex) etc… Le traitement peut être long et se confronte à l’observance thérapeutique.

Le soutien psychologique peut faire appel à la psychothérapie, il en existe plusieurs types. Pour une dépressionlégère à modérée, la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) est considérée comme étant l’un des meilleurs choix. La TCC vise à changer la façon dont nous interagissons avec le monde. Soit en nous enseignant de nouvelles habiletés, soit en nous aidant à revoir notre façon d’interpréter les événements et d’y réagir.

La thérapie EMDR, est une psychothérapie par mouvements oculaires qui cible les mémoires traumatiques des individus.

La technique de libération émotionnelle (EFT) : on stimule certains points d’acupuncture utilisés en médecine traditionnelle chinoise avec le bout de vos doigts.

Le neurofeedback EEG mesure en temps réel l’activité électrique du cerveau à l’aide de l’électroencéphalographie. Les capteurs EEG sont placés sur le cuir chevelu pour enregistrer les ondes cérébrales. Méthode non invasive qui ne transmet aucun choc ou onde directe au cerveau.

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (SMTr) consiste à appliquer sur le cuir chevelu des impulsions magnétiques. Elles induiront des courants électriques au niveau des neurones de la région du cortex visée. La technique permet d’activer ou d’inhiber des zones du cerveau simplement en modifiant la fréquence des pulsations magnétiques.

La sismothérapie (électrochocs) appelée aujourd’hui électro convulsivothérapie, permet de traiter, depuis la fin des années 1930, différentes pathologies (dont la dépression sévère) en induisant une crise convulsive.

La stimulation cérébrale profonde (encore en phase d’essai pour la dépression sévère pharmaco-résistante) a fait ses preuves dans la maladie de Parkinson, le tremblement essentiel et certaines dystonies.

Remerciements

Les dessins sont gracieusement offerts par Coralie OR ; nous vous invitons à visiter son site ptitemamantattoo 😉

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    • Francoise
    • 2 novembre 2024
    Répondre

    Très intéressant article… avec de beaux dessins accompagnateurs.
    La retraite doit être une étape (entre autres…) effectivement, mais tu nous donnes les bons tuyaux 😉

      • L'équipe de Family Evasion
      • 2 novembre 2024
      Répondre

      Merci Françoise, oui on se prépare pour la conversion retraitée avec tous ces loisirs que l’on pourra enfin vivre si la santé le permet, dirait ma grand-mère… A bientôt

        • Maillaud Elisabeth
        • 10 novembre 2024
        Répondre

        Merci Carolle pour cet article très complet et joliment illustré.

        J’y ai été d’autant plus sensible que je suis médecin (à la retraite) et plus est, ayant souffert il y a une dizaine d’années d’une dépression grave avec récidive, actuellement en très bonne santé morale (mais restant à jamais vigilante) et ce, sans le moindre traitement.
        Je préciserai juste que les ATD permettent de passer un cap associés bien sûr à un suivi médical adapté mais il me semble important pour s’en sortir (et sur le long terme), d’y associer très vite d’autres mesures “paramédicales” que chacun doit chercher en tâtonnant (car ce qui convient à certains ne convient pas forcément à d’autres). Il faut aussi, dès que l’humeur le permet, s’attacher à se faire du bien (notion de bien-être, de plaisir) chaque fois que possible (là encore en tatonnant mais souvent l’instinct et l’écoute de soit-même est suffisante). On n’a qu’une vie et il faut en prendre le plus grand soin (autant que faire se peut bien sûr), notamment voire davantage encore lorsqu’elle est émaillée d’accidents.
        Moyennant tout cela, la sortie de l’enfer (car c’est bien de cela dont il est question à l’origine ) est possible.

        Dieu sait alors que la vie est belle (encore plus une fois le combat mené) et… elle nous tend assurément les bras !!!

          • L'équipe de Family Evasion
          • 10 novembre 2024
          Répondre

          En effet Elisabeth, long chemin de résilience… fait de choix, d’option et si encore la force de motivation. Tu as raison d’aborder le lien relationnel, se “être utile” qui fait de nous des Hommes, dans le secret des limbes.
          Merci pour ce témoignage qui nous montre que la voie du soleil se construit, à bientôt.

    • Jacqueline
    • 9 novembre 2024
    Répondre

    Article très riche. C’est triste qu’en Martinique le taux de dépressifs soit plus élevé que la métropole.
    Petit clin d’œil à Coralie pour les dessins. 👏👏

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      Oui Jacqueline, incroyable, mais le contexte ilien est reconnu pour des difficultés de vie… Le soleil et les plages (vues de l’extérieur) ne font pas tout… A nous d’être prudent et d’apporter l’aide que l’on peut autour de nous.
      A bientôt

    • Jade
    • 9 novembre 2024
    Répondre

    Differentes recherches ont démontré un lien entre depression et dysbiose au niveau du microbiote intestinal plus précisément il y a un déséquilibre au niveau de la population bactérienne.
    C’est pour cela que certains psychiatres, au lieu de traiter la dépression en médecine classique, tentent sur 3 mois un rééquilibrage alimentaire en y associant des probiotiques et des omegas 3 et ils ont constaté une diminution des effets néfastes de la dépression.

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      Oui Jade, en effet, les aliments sont nos premiers médicaments, comme Hippocrate les appelait “alicaments”… Aujourd’hui nous sommes peu enclins à suivre ces conseils diététiques, que j’avais abordé dans un article précédent sur le microbiote “https://familyevasion.com/microbiote” ; tu as donc entièrement raison de nous sensibiliser à cette hygiène de vie élémentaire mais indispensable.
      A bientôt

    • Yannick YO
    • 9 novembre 2024
    Répondre

    Bel article… Les dessins qui illustrent sont parlants.
    Merci pour les textes.

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      Merci Yannick, dessin et texte… une synergie, Coralie en sera contente.

    • Kanor
    • 10 novembre 2024
    Répondre

    Excellent article bien argumenté comme à l’accoutumée.
    Merci pour ces informations et illustrations. Puis je partager ce contenu ?
    Suzette

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      Oui bien sûr, le partage fera grand plaisir à la team de familyevasion !
      A bientôt

    • Lutri
    • 10 novembre 2024
    Répondre

    Merci j’ai lu mais pas encore exploité tous les liens !
    Déjà … 👏👏👏

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      Merci pour les applaudissements … que l’on entend ou presque ! 😉

    • Christine
    • 10 novembre 2024
    Répondre

    Cc Carolle.
    Ton article est intéressant à tous les points vus.
    La dépression est un mal important chez les jeunes et les moins jeunes.
    J’ai bien apprécié. Et surtout les conseils.
    Vive les coureuses pour octobre rose 😉
    Je te souhaite une belle suite … A très vite.

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      Oui on donne un peu l’exemple en bougeant le mois d’octobre, mais aussi toute l’année… A notre rythme lol ; les conseils peuvent aider, mais il faut être accompagner pour sortir de ce tunnel parfois sans fin pour certains…

    • Harold
    • 10 novembre 2024
    Répondre

    Merci pour ces riches explications. Donner du sens à nos vies tout au long de notre cheminement, faire régulièrement des choix en lien avec nos ressentis sont autant de moyens préventifs. A bientôt pour une prochaine lecture.

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      Oui Harold, certainement suivre le fil rouge de nos valeurs pour le chemin insondable que reste la vie avec tous ses mystères.

    • Michelle
    • 10 novembre 2024
    Répondre

    Merci Caro pour toutes ces informations !
    Je ne pensais pas qu’il y avait autant de dépressifs à Madinina !
    C’est quelque chose de très insidieux…
    Il ne faut rien lâcher bien que ce soit très difficile on arrive à voir la fin du long tunnel !!!👍🏽

      • L'équipe de Family Evasion
      • 10 novembre 2024
      Répondre

      C’est vrai Michelle, on ne connait pas trop ses chiffres qui peuvent surprendre pour un pays de soleil… Mais les faits sont là et multimodales comme on dit… Donc prudence pour nos ainés et les plus jeunes…

    • Béa
    • 11 novembre 2024
    Répondre

    Article intéressant et enrichissant. Merci de mettre à notre portée de façon simple des sujets complexes.
    Les chiffres m’ont quand même interpellée!
    Je ne peux que conseiller de se faire du bien et de mener ces propres projets et pas ceux des autres!
    L’alimentation est le socle de notre santé et on pourrait ajouter les relations, l’estime et la confiance en soi

      • L'équipe de Family Evasion
      • 11 novembre 2024
      Répondre

      Entièrement d’accord Béa… et ceci en toute simplicité, comme des grains de sable qui s’écoulent d’une main.
      Le prochain article t’intéressera peut être alors… car signe, comme tu le fais, la plus value d’une hygiène de vie à la portée de tous.
      A bientôt !

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