Qualité de vie au travail, case départ le cerveau ?
En comprenant les mécanismes cérébraux et corporels du stress et de la motivation, une qualité de vie au travail est-elle une cible réaliste ? Plus concrètement peut-on espérer un environnement de travail épanouissant ? Si oui, « tout » ou « un peu, beaucoup » passerait-il par le cerveau ?
Pour étayer cette option, revenons sur les connaissances de l’organe lui-même, plus précisément sur une zone clef de notre cortex. L’amygdale cérébrale.
Ainsi, quand une personne perçoit une menace ou appréhende une peur, l’amygdale s’active, déclenchant la réponse « combat ou fuite ». Instinct de survie qui nous habite depuis l’origine des grottes… et même avant.
Ce petit noyau pair du lobe temporal agit comme un radar. Il prend la mesure de la situation à partir de capteurs externes (encore appelés les 5 sens) et internes (ceux de l’intéroception). Vous savez ? … ce qui commande la faim, la soif, les fréquences cardio-respiratoires et même les tensions musculo-viscérales !
Somme toute, une petite chose (plus petite qu’un pois !) qui fait de grandes choses… souvent incontrôlables !
Le stress chronique : un ennemi à maîtriser
Et le stress chronique chahute également cette petite structure amygdalienne. Ainsi les marqueurs corporels, provenant des capteurs internes façonnent nos réponses émotionnelles et comportementales face aux situations stressantes.
Le corps influence donc nos fonctions cognitives les plus élaborées et donc la prise de décision.
Aussi il est illusoire de tenter de créer un environnement de travail où le bien-être est une priorité, en utilisant des techniques de gestion du stress purement mentales. Tenir compte de l’état de tension du corps physique est un paramètre indispensable.
De la peur à la récompense : la motivation intrinsèque
Lorsque l’amygdale est fortement activée en raison de stress, le cortex préfrontal (un bout de cerveau responsable de la pensée…) est moins efficace. Le circuit de la récompense est alors inhibé, bloquant la libération de dopamine. Donc une “non motivation” en découle !
Aussi la dynamique de motivation s’enclenche uniquement quand l’amygdale cérébrale est apaisée. Entre nous, il va falloir chercher à « caresser » ce petit pois, si on veut avancer !
Mais au fait, qu’est-ce qui nous motive ?
D’après les travaux de Daniel H. Pink, les environnements qui permettent aux salariés de contrôler leur travail et de s’améliorer continuellement en trouvant du sens dans leurs tâches favorisent un engagement et une satisfaction plusélevés.
Des motivations intrinsèques ? En voici les clefs :
L’autonomie : un certain degré de liberté et de contrôle sur notre travail motivent. Quatre domaines s’en dégagent : la tâche (ce qu’ils font), le temps (quand ils le font), la technique (comment ils le font) et l’équipe (avec qui ils le font).
La maîtrise : une motivation pour devenir meilleur dans une compétence ou une activité. Le concept de « flux » (état de concentration intense) met en équilibre compétences et défis.
Le but : Le travail est plus motivant lorsque les individus sentent qu’ils contribuent à « quelque chose » en rapport avec leurs « capacités morales ». Les entreprises devraient ainsi s’interroger sur « comment aligner missions et objectifs sur les valeurs intrinsèques de leurs collaborateurs ».
On a vu que l’amygdale se régule en fonction des informations sensorielles (donc corporelles) qu’elle reçoit ; aussi cette dynamique motivationnelle intrinsèque ne fonctionnera que si les alertes de survie émises par l’amygdale sont atténuées.
Solutions physiques plus efficaces que les approches mentales
La cognition (aspect psychologique de la conscience) n’a pas le pouvoir d’interrompre efficacement ces réponses de survie de l’amygdale, immédiates et automatiques.
Comme nos émotions prennent leur source dans le corps, les approches physiques sont beaucoup plus efficaces que les stratégies issues du mental.
Le corps de lui-même, par les capteurs sensoriels, a donc une importance capitale dans le développement des réseaux de neurones. Et eux sont développés par le plaisir et la motivation via des hormones bien spécifiques.
Quelques techniques corporelles pour réguler notre amygdale !
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La respiration profonde et contrôlée active le système nerveux parasympathique, et réduit le stress.
- Les techniques de cohérence cardiaque (6 respirations/min) permet l’équilibre entre les systèmes orthosympathique (lutte contre la souffrance) et parasympathique (restauration des réserves énergétiques). D’où un contrôle durable du stress et de ses conséquences corporelles et émotionnelles.
- Une activité physique régulière : elle abaisse les niveaux de stress de base, favorise le bien-être général et la neuroplasticité. La formation de nouvelles connexions neuronales et l’adaptation cérébrale y sont liées.
- Les techniques de relaxation musculaire progressive diminuent les niveaux de cortisol et autres hormones du stress. La libération de neurotransmetteurs (sérotonine et dopamine) sont alors essentiels pour la régulation de l’humeur et la sensation de bien-être.
- Un sommeil de qualité améliore la cognition, l’humeur et la performance au travail. Le manque de sommeil affecte la consolidation de la mémoire et la capacité à résoudre des problèmes.
Comment renforcer l’attention et la concentration ?
Ce sont des ressources limitées et précieuses au travail. Les neurosciences montrent que le multitâche, souvent valorisé dans les environnements professionnels, est en réalité contre-productif.
Le multitâche ne permet pas de filtrer les informations pertinentes, de passer d’une tâche à l’autre « consciemment » et de rester concentrées sur une tâche donnée.
Par exemple, le smartphone (consulté en moyenne plus de 200 fois au cours d’une journée), les salariés en open-space (sollicités toutes les 11 minutes et interrompus dans presque 60% des cas) sont des distracteurs à limiter. Sachant aussi qu’après une interruption, il faut environ 25 minutes pour se reconcentrer sur notre travail…
Ainsi pour améliorer la qualité de vie au travail, l’idée presque paradoxale est de proposer des périodes de travail ininterrompues (mais plus courtes !), de mettre en place des plages horaires dédiées à des tâches spécifiques et de revenir à nos petits espaces de bureaux pour améliorer le bien-être des salariés et donc … la productivité.
L’empathie et la connectivité sociale au service d’un ensemble
Les interactions sociales positives activent les circuits neuronaux associés au plaisir et au renforcement des liens sociaux. Notamment ceux impliquant l’ocytocine, souvent appelée “hormone de l’amour” !
De là à aimer son patron… je n’irai pas jusque-là ! 😉
En outre, l’ocytocine accroît la confiance et la coopération entre les individus.
Ainsi pour améliorer cette qualité de vie au travail, les entreprises se doivent d’encourager un climat de travail collaboratif en organisant par exemple des activités de team-building.
Fiche pratique « qualité de vie au travail »
1 – Pratiquer la respiration anti-stress / ateliers de pratique psycho-corporelle basé sur la respiration / pratique quotidienne et prolongée (plusieurs mois) de la cohérence cardiaque (rebond diaphragmatique).
2 – Éviter les positions assises prolongées / bouger augmente la libération de facteurs neurotrophiques cérébraux, ce qui améliore les fonctions exécutives et la mémoire de travail. La fréquence de mouvement (et non son intensité) est le plus important à considérer (se lever au moins toutes les 60 minutes !).
3 – Se coucher avant 22h / les deux heures précédant minuit étant une phase primordiale (sommeil réparateur). Même en cas de difficultés pour s’endormir, le fait de rester couché et de se détendre a un impact positif (90% des bienfaits du sommeil).
On se résume… à nos tablettes !
Les neurosciences apportent de nouvelles perspectives pour optimiser la qualité de vie au travail.
En comprenant mieux les mécanismes cérébraux et corporels du stress, les managers peuvent mettre en place des stratégies plus efficaces pour créer un environnement de travail épanouissant. Mais si “eux” ne le font pas… pourquoi “nous” ne pas le faire ?
Pour calmer l’amygdale et gérer les réponses de stress, les approches physiques se montrent beaucoup plus efficaces que les approches cognitives seules.
La prise en compte de la dimension corporelle des émotions favorise un climat organisationnel sain et productif. Alors on y va à ce boulot ? 😉
Photos de Didier à la Pinacothèque (Fondation Clément)
Je retiens que l’apport des neurosciences est intéressant pour la compréhension de nos comportements émotionnels. Serait-ce le résultat de recherches dans le cadre de la maladie d’alzheimer ?
Bonjour Béa, oui les neurosciences nous font avancer pour comprendre nos comportements et leurs solutions s’ils sont exagérés ou non maitrisés. C’est plus dans le cadre d’un burn-out, que la recherche a été faite, avec l’objectif derrière qui reste managériale, avec une diminution de l’absentéisme.
Mais nous pouvons profiter de cet angle, pour nous apporter un bien-être professionnel et même bien au-delà… La respiration étant un moteur pour véhiculer des “ondes positives”.
Merci et à bientôt !
Pas si simple que cela tous ces mécanismes… En tout cas, le mode grégaire de l’homme est une force (bâtisseur de cités) avec ses revers (stress). Agir de façon multifactorielle sur notre environnement personnel et professionnel est sans aucun doute essentiel.
Merci pour cet article.
Merci à toi Valérie pour ce retour ; en effet que de découvertes riches depuis l’Homme des cavernes… qui devait certainement être stressé également … pour d’autres raisons !
Merci Carolle de partager ces précieux savoirs .
Merci Sandrine, au sein de nos équipes, il est bon de trouver le chemin… 😉
La question manageriale est importante dans les questions d’absentéisme et du burn out principalement. Cependant je me demande à quel moment où quand vont se rencontrer des comportements qui vont améliorer les relations. Souvent nous estimons nos comportements légitimes et chacun restant sur ce point de vue n’arrive pas à avancer sur quelque chose qui résultera d’un pas de côté de chacun. Certaines personnes disent que ça leur demande beaucoup, c’est coûteux. De petits pas se font puisque des personnes se développent personnellement et expérimentent cette bienveillance, le non-jugement qui améliore le bien vivre et la bonne collaboration professionnelle mais pas que personnelle aussi
Tu as entièrement raison Béa, un équilibre essentiel entre l’individu et la collectivité… Ce serait trop “facile” d’incriminer tel ou tel acteur car l’idée d’un ensemble pour un objectif commun est à dessiner.
cc Carolle
L’article est passionnant.
Il est facile à lire et à comprendre et surtout il est très intéressant.
Top Christine si la passion est au goût du jour lol !
Passionnant ! merci pour l’approche physique ! On n’y pense pas.
Merci pour les belles œuvres photographiées par Didier. Un peu de douceur dans un monde de brutes (celui du travail, où la perte de sens est constante…) ; Certains employeurs utilisent fort bien le langage des communiquants, organisant différents événements, goûters… en bafouant par ailleurs totalement le droit du travail !
Merci Françoise pour ce retour … enflammé !
Ceci est tellement vrai … peu d’empathie et de respect dans un monde qui parfois tourne à l’envers … mais on avance et on y croit, n’est-ce pas ? 😉
Merci pour le choix des photos. Celles-ci semblent apaiser le contenu de cet article qui parle des situations professionnelles assez graves.
De nouveaux métiers se créent, se développent, des pistes de solutions sont données, reste à en prendre personnellement conscience. Bravo Petite sœur pour ce travail de sensibilisation 😉🤔