Qualité de vie au travail : leurre, utopie ou un simple objectif réaliste ?

Qualité de vie au travail, case départ le cerveau ?

Territoire 015 016 et 018 HABDAPHAÏ 2010

En comprenant les mécanismes cérébraux et corporels du stress et de la motivation, une qualité de vie au travail est-elle une cible réaliste ? Plus concrètement peut-on espérer un environnement de travail épanouissant ? Si oui, « tout » ou « un peu, beaucoup » passerait-il par le cerveau ?

Les Agricultices NABAJOTH Antoine 2017Pour étayer cette option, revenons sur les connaissances de l’organe lui-même, plus précisément sur une zone clef de notre cortex. L’amygdale cérébrale.

Ainsi, quand une personne perçoit une menace ou appréhende une peur, l’amygdale s’active, déclenchant la réponse « combat ou fuite ». Instinct de survie qui nous habite depuis l’origine des grottes… et même avant.

Ce petit noyau pair du lobe temporal agit comme un radar. Il prend la mesure de la situation à partir de capteurs externes (encore appelés les 5 sens) et internes (ceux de l’intéroception). Vous savez ? … ce qui commande la faim, la soif, les fréquences cardio-respiratoires et même les tensions musculo-viscérales !

Somme toute, une petite chose (plus petite qu’un pois !) qui fait de grandes choses… souvent incontrôlables !

Le stress chronique : un ennemi à maîtriser

La visite des ancêtres tutélaires MERT Christophe 2022

Et le stress chronique chahute également cette petite structure amygdalienne. Ainsi les marqueurs corporels, provenant des capteurs internes façonnent nos réponses émotionnelles et comportementales face aux situations stressantes.

Le corps influence donc nos fonctions cognitives les plus élaborées et donc la prise de décision.

Aussi il est illusoire de tenter de créer un environnement de travail où le bien-être est une priorité, en utilisant des techniques de gestion du stress purement mentales. Tenir compte de l’état de tension du corps physique est un paramètre indispensable.

Presencia en el horizonte II Ismael Mundaray 2004De la peur à la récompense : la motivation intrinsèque

Lorsque l’amygdale est fortement activée en raison de stress, le cortex préfrontal (un bout de cerveau responsable de la pensée…) est moins efficace. Le circuit de la récompense est alors inhibé, bloquant la libération de dopamine. Donc une “non motivation” en découle !

Aussi la dynamique de motivation s’enclenche uniquement quand l’amygdale cérébrale est apaisée. Entre nous, il va falloir chercher à « caresser » ce petit pois, si on veut avancer !

Mais au fait, qu’est-ce qui nous motive ?

D’après les travaux de Daniel H. Pink, les environnements qui permettent aux salariés de contrôler leur travail  et de s’améliorer continuellement en trouvant du sens dans leurs tâches favorisent un engagement et une satisfaction plusélevés.

Des motivations intrinsèques ? En voici les clefs :

L’autonomie : un certain degré de liberté et de contrôle sur notre travail motivent. Quatre domaines s’en dégagent : la tâche (ce qu’ils font), le temps (quand ils le font), la technique (comment ils le font) et l’équipe (avec qui ils le font).

La flute des mornes DUMAS Jean-Joseph

La maîtrise : une motivation pour devenir meilleur dans une compétence ou une activité. Le concept de « flux » (état de concentration intense) met en équilibre compétences et défis.

Le but : Le travail est plus motivant lorsque les individus sentent qu’ils contribuent à « quelque chose » en rapport avec leurs « capacités morales ». Les entreprises devraient ainsi s’interroger sur « comment aligner missions et objectifs sur les valeurs intrinsèques de leurs collaborateurs ».

On a vu que l’amygdale se régule en fonction des informations sensorielles (donc corporelles) qu’elle reçoit ; aussi cette dynamique motivationnelle intrinsèque ne fonctionnera que si les alertes de survie émises par l’amygdale sont atténuées.

Solutions physiques plus efficaces que les approches mentales

Le Christ GUEDON Henri

La cognition (aspect psychologique de la conscience) n’a pas le pouvoir d’interrompre efficacement ces réponses de survie de l’amygdale, immédiates et automatiques.

Comme nos émotions prennent leur source dans le corps, les approches physiques sont beaucoup plus efficaces que les stratégies issues du mental.

Le corps de lui-même, par les capteurs sensoriels, a donc une importance capitale dans le développement des réseaux de neurones. Et eux sont développés par le plaisir et la motivation via des hormones bien spécifiques.

Quelques techniques corporelles pour réguler notre amygdale !

  • La respiration profonde et contrôlée active le système nerveux parasympathique, et réduit le stress.

  • Les techniques de cohérence cardiaque (6 respirations/min) permet l’équilibre entre les systèmes orthosympathique (lutte contre la souffrance) et parasympathique (restauration des réserves énergétiques). D’où un contrôle durable du stress et de ses conséquences corporelles et émotionnelles.

 

  • Une activité physique régulière : elle abaisse les niveaux de stress de base, favorise le bien-être général et la neuroplasticité. La formation de nouvelles connexions neuronales et l’adaptation cérébrale y sont liées.
  • Les techniques de relaxation musculaire progressive diminuent les niveaux de cortisol et autres hormones du stress. La libération de neurotransmetteurs (sérotonine et dopamine) sont alors essentiels pour la régulation de l’humeur et la sensation de bien-être.

Call the doctor WOLFRIC 2008

  • Un sommeil de qualité améliore la cognition, l’humeur et la performance au travail. Le manque de sommeil affecte la consolidation de la mémoire et la capacité à résoudre des problèmes.

Comment renforcer l’attention et la concentration ?

Ce sont des ressources limitées et précieuses au travail. Les neurosciences montrent que le multitâche, souvent valorisé dans les environnements professionnels, est en réalité contre-productif.

Le multitâche ne permet pas de filtrer les informations pertinentes, de passer d’une tâche à l’autre « consciemment » et de rester concentrées sur une tâche donnée.

Par exemple, le smartphone (consulté en moyenne plus de 200 fois au cours d’une journée), les salariés en open-space (sollicités toutes les 11 minutes et interrompus dans presque 60% des cas) sont des distracteurs à limiter. Sachant aussi qu’après une interruption, il faut environ 25 minutes pour se reconcentrer sur notre travail…

Ainsi pour améliorer la qualité de vie au travail, l’idée presque paradoxale est de proposer des périodes de travail ininterrompues (mais plus courtes !), de mettre en place des plages horaires dédiées à des tâches spécifiques et de revenir à nos petits espaces de bureaux pour améliorer le bien-être des salariés et donc … la productivité.

L’empathie et la connectivité sociale au service d’un ensemble

Les interactions sociales positives activent les circuits neuronaux associés au plaisir et au renforcement des liens sociaux. Notamment ceux impliquant l’ocytocine, souvent appelée “hormone de l’amour” !

De là à aimer son patron… je n’irai pas jusque-là ! 😉

En outre, l’ocytocine accroît la confiance et la coopération entre les individus.

Ainsi pour améliorer cette qualité de vie au travail, les entreprises se doivent d’encourager un climat de travail collaboratif en organisant par exemple des activités de team-building.

 Fiche pratique « qualité de vie au travail »

1 – Pratiquer la respiration anti-stress / ateliers de pratique psycho-corporelle basé sur la respiration / pratique quotidienne et prolongée (plusieurs mois) de la cohérence cardiaque (rebond diaphragmatique).

2 – Éviter les positions assises prolongées / bouger augmente la libération de facteurs neurotrophiques cérébraux, ce qui améliore les fonctions exécutives et la mémoire de travail. La fréquence de mouvement (et non son intensité) est le plus important à considérer (se lever au moins toutes les 60 minutes !).

3 – Se coucher avant 22h / les deux heures précédant minuit étant une phase primordiale (sommeil réparateur). Même en cas de difficultés pour s’endormir, le fait de rester couché et de se détendre a un impact positif (90% des bienfaits du sommeil).

On se résume… à nos tablettes !

 

Les neurosciences apportent de nouvelles perspectives pour optimiser la qualité de vie au travail.

En comprenant mieux les mécanismes cérébraux et corporels du stress, les managers peuvent mettre en place des stratégies plus efficaces pour créer un environnement de travail épanouissant. Mais si “eux” ne le font pas… pourquoi “nous” ne pas le faire ?

 

Pour calmer l’amygdale et gérer les réponses de stress, les approches physiques se montrent beaucoup plus efficaces que les approches cognitives seules.

La prise en compte de la dimension corporelle des émotions favorise un climat organisationnel sain et productif. Alors on y va à ce boulot ? 😉

Source : https://www.hbrfrance.fr/management/comment-les-neurosciences-peuvent-eclairer-la-qvt-d-un-jour-nouveau-60698

Photos de Didier à la Pinacothèque (Fondation Clément)