L’ âgisme, discrimination liée à l’âge
Largement méconnu, ce regard négatif vers nos aînés, est pourtant de loin le plus important. En effet, l’âgisme est la ségrégation la plus élevée devant le sexisme, le racisme ou l’homophobie. Alors que nous serons plus de 2 milliards de + de 60 ans en 2050, le problème est réel et devra être abordé, décliné, discuté… et décrété !
Car en l’absence de « véritable politique publique » en faveur de ce secteur, des écarts (économiques, médiatiques, socio-culturels…) risquent de fracturer la mosaïque sociétale.
Si ce terme faisait, lors de sa création (en 1969, aux USA, par le gérontologue Robert Butler), référence aux discriminations touchant les personnes âgées, il est employé aujourd’hui pour toutes les personnes qui en sont victimes, quel que soit leur âge.
Mais étant gériatre, je ne discuterai que le “volet séniors”…
Quelles en sont les causes ?
La précarité avec un retentissement financier conséquent dans un foyer, la fertilité symbole d’une puissance quasi-économique pour une future main d’œuvre, le financement des retraites… autant de paramètres modulables au gré des à-coups et vagues sociétales, qui donnent à l’âgisme une dimension psychosociale particulière.
L’image négative du vieillissement fait de nos vieux des personnes bien souvent « malades et dépendantes ». La recrudescence des pathologies chroniques après 50 ans, le déclin physique et cognitif participent à cette sphère accusatrice. « Il est vieux, il est dément » n’accorde pas beaucoup de voix au chapitre.
L’âge sénior est aussi un critère puisqu’il correspond à une retraite donc à une inactivité salariée. Avec cette question en boucle « du paiement de nos futures retraites », qui lorgne alors vers des réformes subsidiaires mais obligatoires de l’état. L’espérance de vie, sachons-le, participant au curseur des dépenses abyssales étatiques…
A la montée de l’individualisme que chacun remarque … s’ajoute la « mondialisation familiale » où enfants et parents n’ont que des contacts lointains, lors d’un WhatsApp parfois mensuel. D’où un isolement des aînés, facteur de fragilité, et pourvoyeur aussi d’affects dépressifs.
Et pour clore ce paragraphe (qui reste bien sûr incomplet), l’âgisme numérique est certainement l’outil ou le concept qui scindera les « sachants des apprenants », sachant justement que l’apprentissage des aînés est moindre par rapport aux plus jeunes.
En tous cas, leur vitesse de traitement. Mais au fait … la tortue n’est-elle pas arrivée avant le lièvre ?
Comment y répondre ?
Si la sagesse de nos aînés n’inspire plus les évènements sociétaux tournés vers des performances consommatrices, un repère factuel suffit pour équilibrer une balance de préjugés.
En effet, les « valeurs de nos vieux » ont permis la construction d’une démocratie qui partait du tableau noir de l’école (rappelez-vous l’éducation civique…) aux principes élémentaires de communication et de respect le plus simplement dans les rues et sur les trottoirs.
La transmission était alors à l’ordre du jour, comme un flambeau qui prend la relève. Pourquoi alors ne pas réécrire ce temps de partage… qu’est-ce qui nous empêche de tendre l’oreille vers ces ainés qui emportent aujourd’hui leur secret avec eux ?
Si l’on pense à une économie plombée par la dépendance « sénior », on peut y répondre par des chiffres de silver économie, par les nouveaux emplois créés justement pour palier leur perte d’autonomie… et tous les koudmen accordés gracieusement en “gardant, nourrissant, choyant” leurs petits-enfants. Selon une étude, chaque année, les grands-parents dépenseraient en moyenne 1650 euros pour s’occuper d’eux. Et ceci hors vacances scolaires…
Une autre étude montre le rôle distinct et considérable des grands-parents dans la réussite scolaire des Ti Moun. D’autant plus sensible lorsque la situation financière ou le niveau de formation des parents est inférieur aux leurs.
L’image d’âgisme, “et pourtant”…
L’idée nous habite certainement…
Au relief de nos capacités qui s’ébranlent, comment ne pas subir cette fragilité indicible et tentaculaire ?
Et pourtant n’est-ce pas là notre chance, car vivre vieux, c’est encore être en VIE… Cet équilibre de mille feux qui reste un souffle… quel qu’il soit !
Des phrases « mutilantes » que l’on s’auto-répète (“ce n’est plus de mon âge…”) compromettent notre idée d’occuper la bonne place.
Et pourtant il s’agit d’une estime de soi, d’un état d’esprit qui font que les années donnent de l’expérience, voire de la sagesse et un partage au bout des doigts. Et commencer une nouvelle ère !
Dans le monde du travail…
Le quinquagénaire est déjà en difficulté pour garder un poste qu’il connait depuis des années… Le moins de compétence, le moins de productivité voire un état de santé chancelant sont avancés pour corroborer aux préjugés d’une société mouvante et bruissante.
L’algarade est alors le langage d’une friction du rouage institutionnel où jeunes et vieux se disputent un « travail pensé et récompensé ». Et aujourd’hui connecté.
Presque une guerre des générations… après celle des boutons… où l’équipe intergénérationnelle souhaitable ne sera qu’institutionnalisée selon des campagnes de sensibilisation et des idéologies politiques.
Une loi anti-discrimination au travail sera alors le “parcmètre indispensable” du respect porté à nos ainés. Un changement radical nécessitant un recadrage structurel.
Et les médias ?
C’est vrai que leur incombe cette image négative, portée par quelques émissions, de pouvoir faire sans les vieux (même les frites… ) ou de les rencontrer dans des endroits luxueux style « la croisière s’amuse » !
A cela, un peu d’informations montrera la faiblesse de revenus pour certains, le taux de suicide élevé pour cette tranche d’âge… et que les Sans Domicile Fixe y sont pour beaucoup. Les « restos du cœur » en savent quelque chose.
D’ailleurs une TV Gran Moun, a vu le jour sur le territoire mettant en valeur les actualités du péyi. Orchestrée par des ainés, leur motivation et engouement pour les réseaux répondent aux détracteurs de l’âgisme numérique.
L’habitat, une des solutions ?
L’urbanisme répondra obligatoirement par son regard neuf et innovateur : des logements « interclusifs », des résidences multiservices ou encore des foyers intergénérationnels intégrés dans une dynamique ouverte sur l’essentiel, qui est le mouvement architectural entre autres.
Mobiliser est en effet un pilier simple qui fait de nous des Hommes en marche, non parqués dans des instituts fermant leur porte aux simples visiteurs que nous sommes.
Pour devenir demain, ne l’oublions pas, les visités…
Bibliographie
https://www.francetvinfo.fr/societe/prise-en-charge-des-personnes-agees/discriminations-a-l-egard-des-personnes-agees-deux-francais-sur-trois-jugent-la-societe-agiste-selon-un-sondage_6804916.html