Etre tanbouyé, un savoir-faire ancestral
« Être tanbouyé (ou joueur de tambour) est souvent la maitrise d’un art de génération en génération », me confirme Jean-Charles Jupiter, « même si l’apprentissage est possible en dehors de parents musiciens ».
L’oralité a alors une importance cruciale pour comprendre l’usage du tambour et approcher la technique des différentes sonorités ; Jouer de l’instrument exige de nombreuses qualités dont l’humilité et la solidarité, rejoignant un art de vivre.
Les Anciens sont détenteurs de cette tradition, qu’ils partagent par une transmission verbale et un comportement exemplaire qui feront d’eux de véritables « maîtres tanbouyés ».
Différents tambours pour un même but
Les modèles diffèrent selon le choix du musicien : Dédé Saint-Prix affectionne particulièrement le Chouval Bwa (musique avec un tambour de style guadeloupéen), donnant une sonorité indissociable de la danse et du chant.
Quel que soit le tambour (ka, bèlè), l’idée – à l’origine – était de communiquer entre les Neg Marrons ou les noirs captifs pour exprimer lutte et souffrance mais aussi pour accompagner les tâches à accomplir dans les champs (culture de manioc…).
Héritage des côtes africaines, le fort symbole musical n’a aucunement disparu, malgré les diverses tentatives pour éradiquer cette forme de révolte et de résistance.
Sons et danse bèlè
Différents dans leur conception, Jean-Charles reconnaît pourtant que les sonorités des tambours se rejoignent. Sons toniques, basses, grooves, aigus ou boulas… d’ailleurs peu importe, le tanbouyé sera à la recherche d’une symbiose, du « diapason » qui portera la danseuse de bèlè vers l’apogée de son art.
Une communion indicible où les partenaires du groupe (chantè, répondè, bwatè, dansè) racontent une histoire, un événement… selon un rythme choisi ; le plus souvent c’est la danseuse qui « passe commande et impulse les phrasés » au tanbouyé.
Il s’agit alors de traduire les expressions, les sentiments, les émotions d’un langage physique. Au-delà d’un son, la virtuosité s’inscrit par l’improvisation de l’instant.
Fabrication d’un tambour bèlè
Le travail d’expert est appelé « facteur de tambour d’instrument à peau ».
Aujourd’hui la peau de cabri a tendance à remplacer celle du mouton ; pour être malléable, elle est immergée dans l’eau pendant 20 min, elle sera ensuite tendue sur la caisse de résonance (assemblage de douelles (ou lattes) d’un fût rabotées, biseautées). Le trempage dure 6 à 12 heures. Les fûts utilisés (rhum ou whisky), de 10 ans d’âge, proviennent des distilleries voisines. Le cercle de tête permet l’assemblage et la couronne fera effet de presse.
Manuellement il faut tirer la peau et visser des tirants (provisoires); l’ensemble se finalisera grâce à une chaufferette pour évaporer le restant d’humidité de la peau et donner le « ventru » souhaité à l’instrument. Plus il est large, plus les sons sont graves.
Un tambour se construit en 3 jours ; sa taille peut différer selon la corpulence du joueur. Pièce unique, il accompagnera le plus souvent le musicien à vie, après quelques serrages des cercles nécessaires.
Cérémonie de “mèt bèlè”
La maison du bèlè à Sainte-Marie a organisé une cérémonie d’intronisation de « maîtres bèlè » le samedi 30 mars. Victor Trèfle et Julien Saban rejoignaient alors le cercle très fermé de l’élite des « trésors vivants ».
Une charte signée honorait ceux qui oeuvrent pour la transmission de l’expertise bèlè. L’excellence, la maîtrise d’un art ainsi que sa créativité, une contribution reconnue pour des « gardiens d’un savoir-faire », qui tissent un lien entre le passé et le présent, par une compétence pédagogique auprès des plus jeunes.
L’idée est de préserver un patrimoine culturel riche en Histoire en animant une mémoire collective, définissant des valeurs de respect et une “manniè viv”.
Se rendre à la maison du bèlè
- Sur les hauteurs de Sainte-Marie
- Adresse : la Reculée, Espace Zéphir, 97230 Sainte Marie (en allant vers le Nord Atlantique, avant de sortir de la commune, prendre à gauche après le stade, monter sur 5 km, rond-point 1ère à droite puis à gauche 10m)
- Atelier de tambour (à droite de la maison du bèlè)
- Tel. : 0596 69 50 50
Remerciements à Mr Jupiter Jean-Charles, pour la validation du texte.
Ton article est instructif tant sur le plan, de la fabrication du tambour (peau de cabri avec 20 minutes dans l’eau), que sur le plan de la transmission de la mémoire des chants et des danses.
Le lien entre les générations parait évident. Les maitres tambours perpertuent la mémoire du chant, comme ciment collectif contre la douleur, la souffrance, l’isolement.
Ne sont-ce pas les mots clés actuels concernant nos parents, notre inter-générationnel et nos sociétés actuelles ?
Merci pour l’article, Carolle.
Il est vrai que le bèlè qu’il soit tambour, soirée, danse… est un temps fort portant la tradition aux rythmes de sons choisis ; l’histoire et la musique sont alors ces véhicules intriqués qui permettent le tissage entre le passé.. le présent… et le futur.
Merci pour ton retour apprécié.
Merci pour toutes ces informations dont la fabrication du tambour.
Je n’imaginais pas du tout que l’une des bases provenait de la peau de cabri.
Encore merci.
Il est vrai que Jean-Charles a partagé beaucoup de son savoir sur la fabrication du tambour, lui qui est tanbouyé mais aussi constructeur de l’instrument. Une découverte à part entière pour un métier… en voie de disparition ! Merci à toi !
Article vraiment complet et instructif ! Bravo !
Merci ! cela encourage… Les circonstances m’ont accordé l’opportunité d’assister à la cérémonie de “mèt bèlè”, un instant haut en émotion et complémentaire de l’interview de Jean-Charles.
Merci Carolle pour cet article très riche. J’ai tout appris du tambour ! C’est une richesse qui mériterait d’être mieux valorisée en Martinique, même si je dois reconnaître que depuis quelques temps il y a de de plus en plus de groupes de bèlè
Oui le bèlè trouve de nouveaux repères au sein du terroir… Mais me précisait Jean-Charles, n’est pas tanbouyé qui veut… comme toute maîtrise d’un art : apprentissage, répétition mais aussi un certain talent sont nécessaire. A bientôt !
Et donc à quand les concerts de bele au Lamentin 😊
Je dois me renseigner pour le Lamentin, la clarinette y est joué au centre culturel pour la fête annuelle, mais il est vrai que le berceau du bèlè c’est la commune de Sainte-Marie.
Bel article. Bisous
Merci à toi !
Très bel article 👍🏽
Bises
Merci pour ce bel avis ! A bientôt !
Très bel article sur le patrimoine martiniquais !!!
Merci Courgette ! Tu vas certainement apprécié le prochain article… au regard de ton pseudo ! 😉
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Toutes les traditions sont à garder précieusement, c’est un savoir unique !!! Merci de le rappeler
En effet Jacqueline, la tradition est socle de notre construction.
Bonne route 2021 !
Le Bèlè est genre musical dans lequel un chanteur mène la musique avec une voix qui porte tandis que se déroule un dialogue entre les danseurs et tambouyés. Le groupe se compose du chanteur ou chanteuse qui donne la voix, le tambour ainsi que les danseurs et il y a également le joueur de « ti bwa », instrument fabriqué à partir d’arbre durs tels goyaviers et caféiers.
Merci pour ton très intéressant article Caro, 😀👌🏽😉
Merci à toi pur tous ces éléments complémentaires riches et bien appropriés, à bientôt. 😉
Très intéressant de partager des choses comme çà ; ma femme va acheter un ka en gwada en mars…
Merci pour ce retour encourageant, bons sons à venir alors !
Très très intéressant
Merci Caro
Bonne année 😀🙏😘
Bonne année également Niquie, et merci pour l’appréciation !
J’adore Caro 👏🏼👏🏼
Merci Chabine pour ton intérêt !
A bientôt
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La tradition le rythme, ça colle à la peau !
En effet Jacqueline la culture se transmet par les ondes de la musique !
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