Mémoire vive, le temps « doré » du canal le Calebassier !

Barque canal le Calebassier

Je flâne le long du canal le Calebassier

Une barque esseulée est amarrée… je m’arrête à sa hauteur alors que son reflet irisé emporte mes pensées.

Hier l’âge d’or du Calebassier m’a été conté.

Deux « conteuses »…

Tatie et Mamie, pétillantes nonagénaires me dépeignent ainsi ce temps de vie grouillante et pleine d’effervescence.

rue et eglise canal le Calebassier

Il faut dire qu’on est « Antan Lontan » : avant l’époque de l’amiral Robert ! Le canal est alors emprunté par des canots et gabarres, s’amusent-elles à me détailler … le tout rythmé par les différents commerces menés sur l’eau.

Se trouvait aussi sur les berges, la ‘tonnellerie des rhums réunis’, vaste domaine qui regroupait nombre d’activités, qu’elles me content toutes enjouées !

Nous sommes alors vers les années 1935

La tonnellerie, lieu de fabrication des tonneaux

Les deux sœurs me racontent comment une fois par mois à l’arrivée du bois de chêne (alors appelé merrain) d’Amérique et du Canada, tous les hommes des alentours descendaient à la fabrique.

Dans une ambiance festive, la manne du travail exaltait les esprits et animait le lieu. Plus de 100 personnes y travaillaient alors : contremaîtres, charpentiers, tourneurs et ouvriers se côtoyaient au son des scies électriques, raboteuses et générateurs…

Les chargements des tonneaux pour Fort-de-France allaient bon train jusqu’à la gabarre tirée par la pétrolette, nommée le Charles stone… Les tonneaux étaient ainsi acheminés vers les proches distilleries ou vers le continent.Charles stone canal le calebassier

Maman a dit, marquez !

Nombre d’enfants venaient à la boutique de la tonnellerie : lieu de choix pour les denrées de 1er usage, la tradition voulait que l’on s’acquitte de la note le vendredi et le samedi, jour de salaire.

La viande salée, le pétrole, le cacao… étaient prisés mais semblaient dispendieux pour les 25 francs par semaine touchés par l’ouvrier !

bourg lamentin canal le calebassier

En attendant… le « marquez » était roi ! Les deux sœurs s’esclaffent de mon étonnement : elles m’apprennent bien complices que la roquille (aujourd’hui disparue) est un 1/8 de litre !

Lieu de rencontre fort apprécié !

arbre a pain canal le calebassier

Les membres de la maison familiale, les ouvriers, les « jobeurs », la boutique, la murisserie établie au gré des propriétaires, le jardin avec son gigantesque arbre à pain… beaucoup de gens fréquentaient la tonnellerie pour échanger : anciens étudiants, alors pensionnaires du midi, joueurs de belote et visiteurs du soir sans oublier les chanteurs et romanciers pour peaufiner l’ambiance.

Le partage se faisait pour l’occasion autour d’un rhum vieux… fait maison avec une tranche de filet mignon s’il vous plait ! sans oublier le four norvégien, alors confectionné, qui aidait à la cuisson des jambons et des fumets les plus gouteux.

Canal le Calebassier aujourd’hui ?

canal le Calebassier

Du pont… je contemple à nouveau ce canal… aujourd’hui, il paraît se languir de ce temps où magnanime, il accomplissait nombre de besognes pour la construction du “péyi”.

Fermée en 1950, la tonnellerie n’a pas survécu à l’apparition des bouteilles en verre, m’apprennent les deux témoins… Une autre époque, dont la riche page m’a été contée.

Voyage au gré de leur formidable passé… sans le savoir, Tatie et Mamie ont transformé mon regard sur le reflet irisé du canal le Calebassier !

 

Les documents sont issus de la collection privée des narratrices “De la Martinique en ce temps là” 1895 – 1935 – Editions Chaudet – Chaudet et Grillon.

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    • Didier
    • 18 mars 2018
    Répondre

    Un grand merci pour ces deux conteuses, mémoire vive d’un passé si proche, qui détiennent encore tellement de richesses à partager.
    Nous ne pouvons que souhaiter de nouveaux épisodes. Pour cela nous faisons confiance à notre journaliste… 🙂

      • L'équipe de Family Evasion
      • 8 décembre 2020
      Répondre

      Que d’émotions en effet à entendre ces femmes conteuses…
      Le temps passe et effleure nos souvenirs, mais grâce à ce récit, des empreintes restent.

    • SARAH
    • 19 mars 2018
    Répondre

    Bonjour Carolle,

    Merci pour cette immersion dans le passé…j’ai cru, l’espace d’un instant, que j’y étais moi-même.
    Hâte de te relire…

    Sarah

      • L'équipe de Family Evasion
      • 19 mars 2018
      Répondre

      Quelle partage, Sarah ! Heureuse de te faire voyager autant que moi! Un instant suspendu grâce à nos formidables conteuses.
      A très bientôt alors…

    • GABRIEL
    • 20 mars 2018
    Répondre

    Quel témoignage émouvant et riche mis en en valeur par tes soins Carolle.
    En te lisant, j’ai pu m’immerger et vivre également le Lamentin de l’époque de mes grands parents.
    Bèl pasaj

      • L'équipe de Family Evasion
      • 20 mars 2018
      Répondre

      Merci pour ce retour Sébastien qui encourage à poursuivre… en quête de mémoire ; il est vrai que nos conteuses portent une émotion à “transmettre” par leur riche histoire : un après-midi de partage inoubliable…

  1. Pingback: Lamentin, quand les souvenirs affluent... - Family Evasion

    • clovis serge
    • 18 novembre 2020
    Répondre

    Par un de ces beaux hasards et de par un côté nostalgique de ma ville natale, je surprends votre article. Oui j’ai galopé le long du canal qui fait suite au cours d’eau le LONVILLIER.
    j’aimerais savoir le coût pour s’abonner ?
    Merci

      • L'équipe de Family Evasion
      • 19 novembre 2020
      Répondre

      Bonjour Serge, c’est avec grand plaisir que nous prenons acte de votre abonnement à notre blog familyevasion qui est gratuit et sécurisé.
      C’est top si cet article vous rappelle de bons souvenirs ; nous avons eu beaucoup d’émotions à rapporter les paroles de nos “mamie et tatie” concernant cette époque lointaine…
      A bientôt

  2. Pingback: Article et contribution : à nos claviers ! - Family Evasion

    • Bernard
    • 8 décembre 2020
    Répondre

    Merci
    Plaisir de remonter le temps qui passe et qui ne s’arrête jamais…

      • L'équipe de Family Evasion
      • 8 décembre 2020
      Répondre

      C’est comme une eau qui ne tarit pas…

    • Laurence
    • 8 décembre 2020
    Répondre

    La lamentinoise que je suis dit merci ! 👍👍

      • L'équipe de Family Evasion
      • 8 décembre 2020
      Répondre

      D’autant plus appréciable que tu es de la commune alors ! 😉

    • Béatrice
    • 8 décembre 2020
    Répondre

    Mercii 🌸

      • L'équipe de Family Evasion
      • 8 décembre 2020
      Répondre

      A toi aussi Béatrice pour ce retour

        • TM
        • 8 janvier 2023
        Répondre

        Belle découverte je ne connaissais pas mais j’ai beaucoup aimé ce que j’ai pu lire. Je poursuivrai la découverte
        Marthe

          • L'équipe de Family Evasion
          • 8 janvier 2023
          Répondre

          Merci Marthe, beaucoup de plaisir à vous lire !
          Et poursuivez en effet … 😉 d’ailleurs vous y êtes abonnée maintenant… Site gratuit et protégé.

  3. Pingback: Mémo’Aid : un livret pédagogique au cœur de la mémoire - Family Evasion

    • DISER
    • 28 janvier 2023
    Répondre

    Les canaux ont joué un grand rôle dans le transport de personnes et de marchandises en Martinique. Celui de Rivière-salee, par exemple, permettait aussi de voyager jusqu’à Fort-de-France. C’est une histoire complètement oubliée, sauf de quelques aînés qui ont vécu une partie de cette époque.

      • L'équipe de Family Evasion
      • 28 janvier 2023
      Répondre

      En effet, les canaux étaient une richesse du pays… car facilitateur d’un commerce fructueux…
      Si l’on ne raconte pas, la transmission n’est plus… car nos ainés partent avec leurs précieux souvenirs.

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