Le maré tèt, un savoir-faire qui en dit long
Le maré tèt … est vieux comme le monde !
L’art de nouer le tissu aux Antilles tiendrait à la loi Tignon en Louisiane. A la fin du 18ème siècle, les belles affranchies se paraient d’accessoires et d’ornements dans leurs cheveux. La beauté était ainsi rehaussée, mais cette tendance n’était pas acceptée par les femmes de la société dirigeante de l’époque.
Aussi pour limiter cet atout, la loi Tignon a vu le jour par le Gouverneur Esteban Rodriguez Miró tout simplement pour cacher les cheveux des femmes Noires Libres. Le but était de maintenir visible les écarts entre classes sociales.
D’où la parade pour détourner ce marqueur social ! Cela consistait à nouer le tignon (nom donné au fichu) de façon esthétique et créative pour en faire un accessoire de toute beauté. Donnant alors naissance à la bamboche appelée aussi « coiffe pain de sucre ».
Le foulard, la naissance d’un langage culturel
Porté dans le monde entier, la pratique de se couvrir les cheveux, imposé en Louisiane était donc vouée à l’apaisement de la vie sociale.
Ainsi se sont forgées progressivement une identité et une posture pour le port d’un simple fichu d’habitation en véritable symbole de liberté pour les femmes noires.
L’adoption de cet art de nouer les cheveux s’est placée bien au-delà d’une habitude gestuelle. Le droit des femmes, le droit d’exister, où la résilience est sous-tendue par la coquetterie.
Qui dit maré tèt, ne dit pas coiffe !
Me rappelle Emmanuelle, que les deux apparats ne sont pas identiques. Son arrière-grand-mère portait la coiffe traditionnelle, en madras. Notamment la chaudière façonnée directement sur du papier journal pour conserver sa forme si particulière s’inspirant du chapeau.
La coiffe traditionnelle a pris naissance dans les maisons d’habitation. En effet, les coiffes étaient de simples toques blanches que les maitresses faisaient porter aux jeunes esclaves.
Parmi les coiffes, il y a celle que l’on confectionne posée sur la tête selon l’occasion. Et celle que l’on crée directement sur la tête. La « libérale », l’« indépendante »…. Sans oublier la « chaudière ». Ornée parfois de bijoux selon le rang social.
Alors que la pratique de l’art de nouer le turban était un marqueur social, au fil du temps nous constatons qu’il s’agit également d’un acte de dissidence, porteur de sens au-delà de l’esthétisme.
Aujourd’hui, le maré tèt en Martinique ?
Un concept d’atelier maré tèt existe à Fort-de-France où Emmanuelle se passionne à transmettre cette tradition.
Communément maré tèt depuis sa mise en lumière par le concept ATELIER MARE TET.
La mode, le stylisme, l’esthétisme… rejoignent le droit d’exprimer toute sa féminité.
La technique est alors enseignée pour embellir une silhouette, et cerner un visage au mieux de ses formes.
Le tissu en coton, long de 2 mètres, se choisit selon des coloris appropriés à la couleur de peau et demande, avec habilité, 5 minutes devant un miroir.
Des plis et torsades finalisent une œuvre chapelière, qui restent pour la créatrice une revendication à la mémoire d’un art traditionnel.
Le maré tèt trouve ainsi ses lettres de noblesses, en étant un véritable accessoire de mode accessible à toutes et s’adaptant à tous les styles.
Actions diverses pour transmettre
L’atelier se déplace… Emmanuelle sera présente à la journée du patrimoine fin Septembre. Donne des conférences et tient des ateliers maré tèt en dehors du territoire.
Elle partage aussi un moment particulièrement intime, là où la maladie a ôté les cheveux, au centre anti-cancéreux de Clarac.
La transmission par l’enseignement du geste dans les écoles est en projet…
Le Maré tèt est une allégorie dans un comportement vestimentaire. Un code, entre coutume, tradition et modernité, dans un style alliant posture et créativité. Personne n’y est insensible !
Fiche pratique
Y aller ?
Atelier « Maré tèt » de Emmanuelle Soundjata
Adresse : 113 rue Blénac au 3ème étage de l’imm. OSIRIS (en face du Grand Marché couvert) / Fort-de-France / Tel 0696 280 547
Intellect’ Mémo
Synonyme de Maré tèt : foulard, tignon, voile, moussor, fichu, turban, check, pagne… etc.
Loi du Tignon (1785) : pratique vestimentaire originaire de l’Afrique de l’Ouest, le tignon a été utilisé comme instrument de domination (South Carolina Negro Act de 1735).
Il s’agit d’ordonner la société par des lois somptuaires (en latin : sumptuariae leges) qui empêchent le peuple d’imiter l’aristocratie. Par exemple, au Moyen-Âge, des codes vestimentaires étaient déjà de pratique courante pour correspondre à une catégorie sociale. Pour la loi Tignon, il s’agit spécifiquement de « museler » les femmes nouvellement affranchies.
Esteban Rodriguez Miro (1744 – 4 juin 1795) : officier de l’armée espagnole puis gouverneur de Louisiane et de Floride Occidentale de 1785 à 1791.
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Ah ! Magnifique ! J’attendais ce sujet avec impatience. Très instructif, il nous permet de nous re-situer (ou nous restituer) cette histoire qu’est la nôtre. Woulo bravo !!👍🏼
Merci Yolaine ! Vrai plaisir de te lire !
Une histoire partagée grâce à Emmanuelle, que je remercie.
A bientôt
Super !
Merci Tressy de l’intérêt porté ; à bientôt.
Très intéressant…!
A quand un article sur les coiffes bretonnes… qui ont augmenté en taille avec l’émancipation des femmes!
Et les costumes raccourcissaient en même temps, ai-je appris cet été….
Hum… tu me mets au défi, Françoise ! D’origine bretonne, il est vrai que c’est un sujet tout trouvé mais omis de ma part. Promis, je retiens l’idée si interessante.
A la différence du maré tèt, cette tradition chapelière de coiffe se perd même si le folklore breton reste très présent sur le territoire… Merci à toi.
Tres intéressant cet article. Merci pour toutes ces informations liées à notre passé. Je ne connaissais pas la loi du tignon. De très belles photos très colorées agréable à regarder.
Merci Jacqueline pour ce retour positif.
Oui… des éléments appris pour chacun d’entre nous.
Sublimé par l’esthétisme de la femme.
A bientôt
Un “maré tèt” pour sublimer la beauté et la fierté de la femme noire, un “maré tèt” pour reconstruire la femme qui traverse une épreuve de santé, un “maré tèt” pour la transmission, un “maré tèt” pour la paix et le lien social…. que de propriétés sociologiques et humaines pour ce petit bout de tissu. Emmanuelle et Family Evasion que deux mots: chapeau bas!
En effet, Harold… que de portée pour un tissu qui en dit long !
Merci à toi pour ce retour vivifiant.
Par cet article, j’ai appris que la coiffe était devenue un symbole de liberté.
Ces coiffes sont jolies : du grand art.
Belle initiative aussi pour le centre anti cancéreux de Clarac.
Merci Carolle pour ce bel article instructif et coloré.
Symbole de liberté… tout un langage pour lutter.
Merci à Emmanuelle pour ce rappel de l’Histoire.
Et à toi Mercator pour cet avis ressourçant.
A bientôt
Magnifique article. Je suis née en Afrique et j y ai vécue toute mon adolescence
J ai vécu aussi en Asie.
Je suis fascinée par ces bouts de tissus qui embellissent les femmes, par la créativité du travail…
Merci Carolle de nous offrir ces si beaux témoignages
Merci à toi Dorothy ; Ton expérience de vie nous conforte beaucoup sur la pluralité et la richesse des regards. Le croisement des vies en est d’autant plus coloré ! A travers les tissus, les saveurs, les parfums…
A bientôt
Ma Sister, tu nous passionnes toujours avec tes articles qui nous apprennent tant. Contrairement à la coiffe que nous connaissons mieux, le Maré Tèt, est encore un pan de notre histoire que j’ignorais et surtout auquel je ne prêtais pas grande attention. Dorénavant, j’aurai un regard différent et plus de respect pour le Maré tèt qui est une vraie œuvre d’art.
Un grand bravo à ma petite sœur.
wouah sister ! des mots plus qu’encourageants… une histoire qui est encore aujourd’hui si présente…
c’est vrai la coiffe est plus usuelle et mérite aussi un regard.
a bientôt !
Merci pour cet article. C est un reel plaisir. Coup de coeur pour cet article
Il est vrai que le maré tèt lie notre petit bonhomme de chemin ; chacun son histoire… avec ce foulard si particulier qui peut apparaitre dans nos vies. 😉
Merci Clo.
Merci Caro, je trouve cela très joli.
Quelle dextérité !
Totalement vrai Chabine, et en plus tout un symbole pour un combat…