Maré tèt, un patrimoine qui se transmet

Le maré tèt, un savoir-faire qui en dit long

Le maré tèt … est vieux comme le monde !

savart-femmes-creoles-1770L’art de nouer le tissu aux Antilles tiendrait à la loi Tignon en Louisiane. A la fin du 18ème siècle, les belles affranchies se paraient d’accessoires et d’ornements dans leurs cheveux. La beauté était ainsi rehaussée, mais cette tendance n’était pas acceptée par les femmes de la société dirigeante de l’époque.

Aussi pour limiter cet atout, la loi Tignon a vu le jour par le Gouverneur Esteban Rodriguez Miró tout simplement pour cacher les cheveux des femmes Noires Libres. Le but était de maintenir visible les écarts entre classes sociales.

D’où la parade pour détourner ce marqueur social ! Cela consistait à nouer le tignon (nom donné au fichu) de façon esthétique et créative pour en faire un accessoire de toute beauté. Donnant alors naissance à la bamboche appelée aussi « coiffe pain de sucre ».

Le foulard, la naissance d’un langage culturel

Credit photo E. Soundjata

FichuPorté dans le monde entier, la pratique de se couvrir les cheveux, imposé en Louisiane était donc vouée à l’apaisement de la vie sociale.

Ainsi se sont forgées progressivement une identité et une posture pour le port d’un simple fichu d’habitation en véritable symbole de liberté pour les femmes noires.

L’adoption de cet art de nouer les cheveux s’est placée bien au-delà d’une habitude gestuelle. Le droit des femmes, le droit d’exister, où la résilience est sous-tendue par la coquetterie.

Qui dit maré tèt, ne dit pas coiffe !

Chaudiere

Me rappelle Emmanuelle, que les deux apparats ne sont pas identiques. Son arrière-grand-mère portait la coiffe traditionnelle, en madras. Notamment la chaudière façonnée directement sur du papier journal pour conserver sa forme si particulière s’inspirant du chapeau.

La coiffe traditionnelle a pris naissance dans les maisons d’habitation. En effet, les coiffes étaient de simples toques blanches que les maitresses faisaient porter aux jeunes esclaves.

Parmi les coiffes, il y a celle que l’on confectionne posée sur la tête selon l’occasion. Et celle que l’on crée directement sur la tête. La « libérale », l’« indépendante »…. Sans oublier la « chaudière ». Ornée parfois de bijoux selon le rang social.

Fichus - mare tet

Alors que la pratique de l’art de nouer le turban était un marqueur social, au fil du temps nous constatons qu’il s’agit également d’un acte de dissidence, porteur de sens au-delà de l’esthétisme.

Aujourd’hui, le maré tèt en Martinique ?

Mare tet - Soundjata Emmanuelle

Mare tet - Soundjata E.Un concept d’atelier maré tèt existe à Fort-de-France où Emmanuelle se passionne à transmettre cette tradition.

Communément maré tèt depuis sa mise en lumière par le concept ATELIER MARE TET.

La mode, le stylisme, l’esthétisme… rejoignent le droit d’exprimer toute sa féminité.

La technique est alors enseignée pour embellir une silhouette, et cerner un visage au mieux de ses formes.

Le tissu en coton, long de 2 mètres, se choisit selon des coloris appropriés à la couleur de peau et demande, avec habilité, 5 minutes devant un miroir.

Mare tet ou foulardMare tet - dissidenceDes plis et torsades finalisent une œuvre chapelière, qui restent pour la créatrice une revendication à la mémoire d’un art traditionnel.

Le maré tèt trouve ainsi ses lettres de noblesses, en étant un véritable accessoire de mode accessible à toutes et s’adaptant à tous les styles.

Actions diverses pour transmettre

Choix coloriatelierL’atelier se déplace… Emmanuelle sera présente à la journée du patrimoine fin Septembre. Donne des conférences et tient des ateliers maré tèt en dehors du territoire.

Elle partage aussi un moment particulièrement intime, là où la maladie a ôté les cheveux, au centre anti-cancéreux de Clarac.

La transmission par l’enseignement du geste dans les écoles est en projet…

Le Maré tèt est une allégorie dans un comportement vestimentaire. Un code, entre coutume, tradition et modernité, dans un style alliant posture et créativité. Personne n’y est insensible !

atelier mare tet

Fiche pratique

Y aller ?

Atelier « Maré tèt » de Emmanuelle Soundjata

Adresse : 113 rue Blénac au 3ème étage de l’imm. OSIRIS (en face du Grand Marché couvert) / Fort-de-France / Tel 0696 280 547

Intellect’ MémoMare tet - madras

Synonyme de Maré tèt : foulard, tignon, voile, moussor, fichu, turban, check, pagne… etc.

Loi du Tignon (1785) : pratique vestimentaire originaire de l’Afrique de l’Ouest, le tignon a été utilisé comme instrument de domination (South Carolina Negro Act de 1735).

Il s’agit d’ordonner la société par des lois somptuaires (en latin : sumptuariae leges) qui empêchent le peuple d’imiter l’aristocratie. Par exemple, au Moyen-Âge, des codes vestimentaires étaient déjà de pratique courante pour correspondre à une catégorie sociale. Pour la loi Tignon, il s’agit spécifiquement de « museler » les femmes nouvellement affranchies.

Esteban Rodriguez Miro (1744 – 4 juin 1795) : officier de l’armée espagnole puis gouverneur de Louisiane et de Floride Occidentale de 1785 à 1791.

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