Artiste-ouvrier à Hochelaga
Alors que j’arpentais les rues de Hochelaga, une maison puis un atelier retinrent mon attention afin d’y entrer. Un très bon article sur les quartiers de Montréal m’avait d’ailleurs sensibilisé à découvrir l’artiste Léopol Bourjoi, qui passionné, m’a ouvert aisément sa porte.
Sans le savoir, j’avais déjà rencontré son savoir-faire avec une œuvre qui m’avait interpellé sur le parvis de l’église de la Nativité de la Sainte-Vierge… « Pourquoi naitre ? »
Pourquoi naitre, si ce n’est nait pour vivre…
Les phrases inscrites m’avaient arrêté dans ma balade… en arrêt ! à déchiffrer un poème de l’auteur qui résume les idées du quartier ouvrier mais aussi derrière les mots, qui véhicule tout un message.
Celui de la labeur, de la pénibilité que tout âme ouvrière subit. Mais aussi la liberté perçue, paradoxalement, intimement liée à la conviction de construire et de participer à une oeuvre sociétale collective et infinie… La force du vivant…
Deux gants et un casque de sécurité, symboles du travail de terrain, accentuent les lettres inscrites sur l’acier : « Pourquoi ouvrier, si ce naît pour construire le monde à d’eux ? »
Rencontre avec l’artiste-ouvrier
Ainsi je sonnais à l’atelier…
Mr Bourjoi n’hésita pas à me partager sa vision de l’art et de ses œuvres en particulier. Insistant sur le côté ouvrier de ses origines, ayant lui-même façonné, soudé, arcbouté… au mieux pour son travail d’usine.
Tout naturellement alors, l’art s’est inspiré de cette discipline avec réflexion sur le monde et ses idéaux depuis également ses nombreuses connaissances livresques.
Autodidacte pendant plus de 20 ans, il décida de mettre le pied à l’étrier universitaire et se retrouva alors artiste-ouvrier après un baccalauréat d’Arts Plastiques à plus de 40 ans.
Interview de L. Bourjoi
Handicapé d’une main de naissance, issu d’un milieu ouvrier, cet homme ne cesse d’embrasser la culture depuis son plus jeune âge. Là où son environnement ne lui accordait « pas de vie, pas de famille… », il se jura une existence et une liberté d’expression par l’Art dans toutes ses dimensions.
Ainsi la plastique, la peinture, la poésie seront des expressions au plus près d’une vie différente, inspirée aussi de l’auteur Charles de Foucault.
Puis 3 directions, tout au long de sa vie, dessinent l’ensemble de sa route.
Apprendre à réaliser de l’art classique (sculptures réalistes comme l’oiseau), apprendre un métier d’usine et en façonner des œuvres (par ex. des cubes taillés avec un tour à métal pour « un esprit qui inspire la matière »), accéder à la modernité et arts contemporains…
Vulgariser la « Grande culture » n’a cessé d’être un cheval de bataille pour comprendre, magnifier mais surtout partager un ressenti culturel envers ses compatriotes ouvriers. « Faire comprendre, pour celui qui pense ne pas comprendre… ».
Quelques œuvres de l’artiste plasticien
Une œuvre rencontrée dans le quartier d’Hochelaga, le « 105 pour cent », intitulée le triptyque du centenaire Lallemand, usine de levures alimentaires, (1915-2015), en hommage aux travailleurs de l’entreprise ayant plus de 25 années de service. L’œuvre d’art monumentale publique, rue Préfontaine, se contemple malheureusement derrière une barrière… Pourtant il faut reconnaître toute la valeur symbolique et emblématique de cette œuvre dans ce quartier ouvrier qui cite 105 travailleurs persévérants.
Une autre œuvre, sur laquelle j’insisterai, est HI-LO…L’ensemble interpelle par son aspect massif lié à une technologie, qui semble suivre l’évolution du temps… de l’électricité, au téléphone manuel, à la téléphonie Iphone… Béton, acier, cuivre, aluminium… toute une progression dans l’élaboration de cette œuvre monumentale qui a été exposée à la Maison de la culture Mercier (2014) dans le courant de pensée Steampunk posant la question de la valeur des besoins actuels et des apports technologiques émergeants dans la société.
Ainsi s’achève la rencontre avec L. Bourjoi… sans que je puisse encore une fois, recopier son écriture « Créateur de culture, l’artiste est chercheur d’Etre, de sens et de conscience. Par l’art, il imagine l’univers culturel dans lequel nous découvrons notre humanité… ».
Alors Mr Bourjoi, artiste ?
ouvrier ?
peu importe… non ?
mais un enfant qui, depuis bien des années, a entrepris d’écrire son livre de vie avec de véritables mains créatrices.
Je suis très touché. Votre visite fut très sympathique et le texte que vous en avez fait admirable. Merci beaucoup! Léopol B. ;-))
Belle rencontre en effet inopinée dans les rues montréalaises. Une vraie disponibilité de votre part qui en fait un instant riche en réflexions; à bientôt !
Sincère et beau partage entre l’artiste et la voyageuse…une rencontre créative 👍🏼 et récréative…
Merci Lucien ! Pour ce feedback de lecture !
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