Flora Germain, un parcours militant pour vivre « à la verticale »

Flora Germain, de la « petite fille » à la « défenseuse »

 1962

Des souvenirs à fleur de peau remontent et font mal…

Enfant a l'ecoleApprendre est un credo pour la petite Flora. Mais les sévices vécus à l’école ou à l’église… pour « faire rentrer la matière » la heurte et laisse des cicatrices vibrantes.

Alors que son foyer parental la protège et la cajole, le milieu institutionnel flagelle les enfants et mutile les pensées créatrices. Là où la famille la choie, le monde extérieur la brutalise.

La langue maternelle, est même balayée par le français, lui qui décline en boucle le « Mont Blanc ou les fleuves de France ». Pas facile d’exister dans les mornes pilotins, alors que le labeur paye peu et que le pouvoir distille le « savoir des gaulois ».

Un livre en est né « Petite fille en Martinique en 1962, une année une vie » où les remerciements premiers s’adressent à un professeur d’école.  Il lui a permis de découvrir Guy Tirolien et Léon-Gontran Damas, deux poètes noirs inconnus de son chapitre. Une révélation !

Livre Flora Germain

Coupe de canne - sirop de batterieLe livre est par ailleurs remarquable, nous relatant avec pudeur et intimité, la richesse des traditions mais aussi son carcan. Un travail de recherche et de mémoire autobiographique pour un résultat haletant…

La joliesse de l’écriture nous achemine en profondeur vers l’écho des mornes.

Le quartier de Ravine-Braie est magnifiquement conté par la rencontre de ses amareuses, ses djobeurs et ses Ti manmay !

1962, une période d’exode

Etre deboutL’émigration bat son récital avec le BUMIDOM (Bureau pour les migrations des départements d’Outre-Mer) et la SMA (Service Militaire Adapté). C’est un appel à l’exode qui marquera profondément la démographie (pour rester simple…) martiniquaise.

Dans ce contexte, Flora, du haut de ses 11 ans, s’arcboute sur des volontés qui feront d’elle, tout au long de sa vie, un « être debout ». L’une de ses convictions la ramènera à Ravine-Braie, là où l’écurie de la propriété parentale se dressait … Chose faite en 2009 avec la construction de sa maison à l’endroit destiné.

La période de l’enfance avec ses vicissitudes s’éloigne.

homme ane bate plantation

Enfant jouetPourtant cela sonne comme un glas, même si l’innocence résonnait à tue-tête dans les champs de canne.

En effet, martel en tête des questions se gravent « comment se construire sans référent, sans modèle… ? ».

Une réelle confrontation à la sensation d’une coquille « vide » qui l’empêche, par l’absence d’icône, d’avoir ses propres racines.

 La France hexagonale, puis le retour au péyi

Salon et livre GermainAlors que son chemin est jalonné de questions « Qui je suis ? Où je dois aller ? », son entourage métropolitain la bouscule par un vif intérêt porté à la Martinique ; bien souvent cela la laisse sans voix, car sans connaissance véritable du péyi.

Signature livreC’est donc avec « beaucoup de gourmandises intellectuelles » que Flora Germain débarque dans la maison d’Edition parisienne Présence Africaine. Les lectures « au bout de la nuit » au sujet de l’histoire de la Martinique la nourrissent pour son plus grand plaisir.

Les insurrections, la négritude… feront le terreau de sa réflexion pour un engagement qui se consolidera dans le militantisme syndical. En 1986, les yeux de la « petite fille » retrouveront enfin les mornes du péyi, tant chéris. Son engagement y sera total.

Sans parti politique attitré, ses convictions, Flora les destine au service de l’autre… du citoyen martiniquais qui luttera comme elle pour « une main sur l’histoire ».

Amareuse plantation

La culture martiniquaise riche en couleurs

plantation canne a sucre

ELSA CINE DEBATDéfenseuse de la culture martiniquaise, Flora Germain devient présidente de l’association « ADPKM » (Asosiyasion pou Défann ek Palantjé Kilti Matinik).

Artiste dans l’âme, elle est la proue des causes engagées comme l’inceste, la violence aux femmes ou encore le lourd fardeau des aidants… dans son film Elsa.

Auteure, scénariste, écrivaine … et passionnée de bèlè lisid, l’artiste crie la souffrance des plus vulnérables. Ceux et celles qui restent sans voix, tant le poids de la douleur asphyxie. L’ « éveil de la conscience pour se tenir à la verticale » restant son principe.

Libre de penser et d’agir. Cette femme aux multiples facettes, continue sa lutte par les mots aux sons du tambour, que l’on pourra d’ailleurs entendre en mai prochain avec le spectacle « Mètpies-nou ».

Une émotion vive et vivifiante pour les témoins de l’Histoire que nous sommes… et resterons.

Tambour bele - Flora GermainNote explicative

La musique du bèlè lisid requiert le jeu de deux tambours bèlè simultanément.

Le premier pour répéter du début à la fin du morceau une formule récurrente qu’on appelle basse.

Et le second pour dialoguer avec le danseur et illustrer sa performance par des séquences rythmique adhoc.