Le chaufournier… un artiste dans un four à chaux !

Un procédé depuis l’Antan

La chaux est un minéral, plus exactement de l’oxyde de calcium.

Four a chaux

Poudre blanchâtre, elle est obtenue par calcination du calcaire. Utilisée depuis l’Antiquité pour les voies et bâtiments, ses propriétés réfractaires en font encore aujourd’hui un matériau de choix très résistant pour la métallurgie.

Grâce à cette propriété, la construction d’un four à chaux en Martinique toujours visible dans le quartier Californie a eu lieu… datant de plus de 3 siècles !

Une longue préparation avant d’enfourner dans le « four à chaux »

 

« Autrefois, on coupait les branches des palétuviers au Morne Cabri, abordé alors en canot après la traversée de la baie Cohé (du nom de l’oiseau). Baie de Cohe Four a chaux

Pendant une semaine, homme et femme, s’entraidaient pour récupérer – au milieu de la mangrove – ce qui alimentera le four » raconte Mr Petito, pétillant octagénaire et « rebelle pacifique » comme il se définit ! Un « puits de science », ajouterai-je…

« Les coraux ou madrepores étaient alors pêchés par une longue tige avec une agrafe à 9 bras ».

Coraux Morne CabriRemplacés aujourd’hui par des conques de lambis  car les coraux sont protégés depuis plus de 25 ans.

« Les conques de lambis ne sont pas aussi efficaces que les blocs, car vides de matières : d’ailleurs il en faut 5 à 6 fois plus ! » précise-t-il. A ce sujet, il nous rappelle également que le chant des conques – avec un code bien défini – prévenait la population d’un décès ou d’une pêche miraculeuse ! A ne pas se tromper !

Travail ajusté, nivelé et aligné !

Plusieurs fours à chaux existaient par quartier (parfois donnant le nom au quartier) et étaient alors loués pour la besogne. Puis le troc était de mise avec quelques sacs de chaux bien attendus par le propriétaire du four !

La famille qui voulait alors transformer le minéral, après une semaine de coupe forestière et de pêche de coraux, préparait avec minutie l’entremêlement des matériaux : un travail d’artiste de plusieurs jours !

Le four à chaux existait sur l’ensemble du territoire : « là où il y avait une usine … il y avait un four à chaux ! » me répète Mr Petito ; Maintenant il n’en reste pas plus de 5 en activité…

Le mode artisanal encore préservé !

Aujourd’hui rares sont les artisans de « four à chaux ». Michel en est un et essaye de trouver la relève auprès de ses enfants… tout comme il l’a fait il y a 3 ans ! « Il faut descendre dans la cheminée et entreposer en alternance 60 cm de bois et de lambis ».

Une préparation de plusieurs jours est parfois nécessaire surtout pour le début du travail où il faut être deux personnes. Ce travail de véritable « rangement de branches » permet à la braise de perdurer.

La combustion (2 à 3 jours) donne alors un bloc de coraux intact (« chaux vive »), qui une fois défourné, est arrosé d’eau pour devenir de la « chaux éteinte ». Pâte alors utilisée pour les mortiers et enduits… Après le passage de l’eau sur les blocs de chaux, la poudre blanche obtenue doit être tamisée pour l’emploi.

Tamisage four a chaux
Tamisage de la chaux

Une adresse rigoureuse pour un travail méticuleux d’artiste !

L’usage de la chaux pour des gestes de tous les jours

Une fournée peut faire 15 sacs de 15 kg approximativement. De nombreux usages sont quotidiens (nettoyer les poulaillers et porcheries… mais aussi après avoir retourné la terre, désinsectiser ou servir d’engrais). Il existait même à la commune du Lamentin, une équipe spécialisée pour en asperger les caniveaux et ainsi les nettoyer.

Aussi, le four à chaux pourrait remonter le temps et conter ses mémoires parties en fumée, alors que l’homme, par sa main virtuose perpétue un savoir-faire magistral.

Encore faut-il que notre société effrénée n’érode pas cette compétence transmise par nos aïeux.

Remerciement tout particulier à Mr Lafrontière qui a permis la rencontre de Mrs Petito, Roset et Sillon, chacun apportant une contribution remarquable pour la réalisation de ce reportage.