Le bakoua, une valeur patrimoniale !

Familyevasion a rencontré Mr Jean-Louis Marie-Rose, artisan-chapelier du bakoua ; autodidacte, comme il aime à le rappeler. Un homme qui transmet son « savoir-faire » appris auprès de son père mais surtout par lui-même.

atelier bakoua

Depuis l’arbre… vers le chemin de la création

Dans un 1er temps, il a fallu implanter le bakoua (Pandanus Sanderi) disparaissant progressivement du paysage martiniquais… son entourage en a alors reçu quelques plants !

plants bakoua

S’approprier aussi les innombrables utilisations des feuilles, fleurs et fruits du bakoua a été un enseignement tout enfant auprès de sa « da » qu’il inondait de questions.

Aussi de multiples métiers pour cette matière : du pain à la confiture, en passant par la teinture jusqu’à la vannerie !

D’ailleurs le papillon « feuille morte » (Gastropacha quercifolia) aura donné le signal pour cette œuvre naturelle… de la floraison à la création.

Une affaire de tradition

tressage bakouaTrès jeune, Mr Marie-Rose s’intéresse à la technique du bakoua : il reproduisait à l’identique ce que son père et oncles faisaient, car le travail du bakoua était un travail d’homme.

Ainsi les anciens tressaient après leur journée dans les champs et « troquaient » ce bien pour améliorer leur quotidien.

Le bakoua servait à toute la population ; Passé de « mode », voire dénigré par le monde urbain, panama, chapeau feutre ou casque colonial remplaçaient alors ce « bagay vié nèg ».

Aujourd’hui le regain actuel pour ce matériau est lié à « cette valeur forte du patrimoine qui nous appartient ». Et cela depuis le temps des amérindiens !

Un travail à l’écoute du végétal

Ramasser une feuille « à point nommé » pour qu’elle ne soit pas piquée par les mites.

La reconnaître comme « transformable » et éviter alors qu’elle ne s’effrite.

La sécher, trier, traiter… avec une méthode de conservation (propre à chacun) qui dépend aussi de la variété du bakoua. Feuille, lanière puis fibre… un travail manuel minutieux.

Et cette patience permanente : « Il est important de laisser la pièce se bonifier comme un bon vin » m’explique l’artisan-chapelier.

Un apprentissage qui ne finit jamais !

Un savoir-faire unique basé sur… des années de recherche l’équilibre du chapeau, sa forme, sa transformation, sa couture… un gigantesque travail de « titan » de l’aube à la nuit avancée pour la répétition du même geste.

A la question, comment faire « tenir » le chapeau, qu’il vente, qu’il pleuve, que l’humidité imprègne… ? La technique du « bandonnage » y répond, car « rien » ne doit modifier le travail du créateur !

 

Et cette technique parfaite permet au couvre-chef de garder sa forme même mouillée… sachant qu’elle est adaptée à chaque type de visage et cheveux.

Un coup de maître

Pour Mr Marie-Rose « un bon chapelier est avant tout un bon tresseur !» car le tressage est le cœur de la profession.

Une sensation tactile très fine et experte permet de ressentir la souplesse de la feuille du bakoua : l’arbre femelle, m’explique l’artisan, se travaille ainsi plus facilement en tressage. Cette sensation est même reconnue les yeux fermés pour expérimenter la matière noble.

La forme suit alors l’esquisse du créateur qui – d’une habilité de maître – en fera une pièce le plus souvent unique.

Une règle d’art : la dextérité donne l’assise à l’œuvre d’art, après avoir galbé celle-ci.

Le bakoua traduit “en chiffres”

60 cm de très petites tresses travaillées représente 1 heure 50 de travail. Un petit chapeau est l’équivalent de 25 brasses de tresses ; la tresse tourne comme un biais en tissu.

Une semaine (7 jours sur 7, me précise l’artisan) peut représenter 35 mètres de très petites tresses travaillées ! Le montage à la main d’un chapeau de pêcheur, conique et épais pour ne pas retenir l’eau, nécessite un mois de travail.

Le talent reconnu se comptabilise aussi par quelques mètres « cousu main » pour une valeur pouvant atteindre la somme de 600 euros ! Un chapeau ou coiffe de mariage peut valoir de 200 à 900 euros, mais on peut envisager la location pour une telle cérémonie.

Voilà une 20aine d’années que le plasticien crée ses œuvres en bakoua. On compte à peu près une 15zaine de chapeliers, professionnels et amateurs confondus, sur le territoire martiniquais. La machine à coudre – dans ce métier – est apparue peu avant les années 1970.

Le temps de la transmission ?

Nul homme ne saurait se reconnaître comme tel s’il n’avait pas idée permanente de transmettre. « Le savoir est comme une roue dentée, il est à partager pour qu’il n’y ait pas d’usure » renchérit le créateur.

Son plaisir actuel, son émotion palpable est la transmission de son expertise qu’il a quêtée depuis tant d’années. Des fiches techniques ont été élaborées à cet effet où le façonnage est décrit par le plasticien : une formation sur plusieurs années est alors nécessaire pour l’acquis de l’habileté.

Travail avec la haute couture, défilé au salon de l’artisanat, deux livres en cours d’édition, expert du patrimoine à ses côtés pour recueillir l’essence du savoir-faire et une formation à la « chambre des métiers »… marquent une reconnaissance qui récompense tant d’années d’investissement et de labeur.

Mais c’est surtout l’histoire de toute une vie et d’une passion… !

Familyevasion vous conseille un article similaire sur le patrimoine culturel de la Martinique le chaufournier.