Aristide Kouamé, au pays des tongs messagères
Aristide Kouamé, un plasticien engagé
Aristide Kouamé, jeune artiste de 26 ans, m’a ouvert les portes de son atelier à Riviéra 2 (commune de Coccody à Abidjan). A travers son art, unique, il œuvre pour des valeurs profondes, le caractérisant, qui rejaillissent par ses conceptions créatives.
La préservation de la planète via le recyclage, le développement durable sont au cœur de sa motivation pour interpeller le spectateur et transmettre ses propres préoccupations sociétales.
Mais aussi la solidarité, le lien entre les hommes … forces vives pour les soixante ethnies (et plus…) de la côte d’Ivoire, émergent de son travail comme une ligne directive.
La recherche quotidienne du plasticien dicte sa future production colorée et lettrée.
Car Aristide met haut en couleurs des mots nouchi (langage populaire de certains quartiers), baoulé (ethnie du centre de la Côte d’ivoire) ou français à lire (ou deviner…) dans ses œuvres.
La réflexion se veut alors au rendez-vous. Car le support n’est – ni plus ni moins – qu’un produit de consommation rejeté par l’océan : des tongs recyclées échouées sur le bord d’une plage !
Passionné d’art, au chemin de l’Ecole
L’aventure artistique commence par une année à l’université au département des Arts en 2014, puis s’ensuivent 5 ans à l’École nationale des Beaux-Arts.
Dès la deuxième année, une spécialisation l’oriente vers les matériaux malléables qui pourraient exprimer son identité…
Il s’éloigne alors du côté académique pour exprimer au plus près son questionnement sur l’environnement et le devenir fragile de la planète.
En effet Aristide a à cœur de se démarquer mais aussi de laisser des messages à décrypter. D’ailleurs les visages sont omniprésents dans ses œuvres, avec des expressions multifacettes pour le spectateur.
« L’œuvre d’Art est perçue par les yeux du spectateur, il peut suivre le chemin de l’artiste et l’emmener à sa propre réflexion ».
Le portrait, souvent thème central de son travail, est confectionné avec des lettres qui racontent une histoire.
Bien sûr la recherche de l’esthétisme reste un objectif de l’artiste mais son souhait profond est de positionner l’art ivoirien sur la plate-forme africaine, peu encline encore à la culture plasticienne.
Le choix de la matière plastique
D’abord des tampons donneront lieu à des affiches, des tableaux… puis lors d’une balade en bord de mer, l’opportunité de récolter des tongs (dans un 1er temps achetées) est saisie.
La couleur, burinée par le vent et le sel de l’océan, donne cette teinte unique, essentielle et délavée au regard.
Et surtout le développement durable est abordé par cette idée où la pollution de nos berges et le coté socio-économique sont explorés. Une tong, au-delà du support, montre les aspects manufacturés de notre société.
Presque neuf ou complètement rafistolé, le flip-flop suit l’histoire humaine et même le rang social est subodoré…
Un produit peaufiné
Une fois choisie, la tong lavée, désinfectée puis découpée sera collée sur une surface apprêtée. Le format de l’œuvre importe peu, même si la grandeur impose plus un défi, mais le fer de lance de l’art figuratif passera par des messages issus d’expressions écrites, de visages ciselés ou encore de couleurs retrouvées sur les pagnes kita.
« Les écrits parlent quand l’homme se tait. » dit-on.
14 heures de travail journalier pendant 1 à 2 semaines nourriront alors de superbes productions.
Elles s’exposeront jusqu’en Europe, mais aussi de façon exclusive à la Galerie Eureka.
Des messages brossés par le temps
Enseignant au lycée et collège de Daoukro, Aristide Kouamé partage son temps entre ses différentes activités.
Son inspiration émerge lors de discussions où des expressions interpellent par l’émergence de mots nouveaux.
Ainsi « confinement, Covid… » marque bien l’évolution fantomatique d’une société. Mais aussi des sources vernaculaires entendues dans des quartiers populaires qu’il affectionne particulièrement.
Puis les idées germent… s’enrichissent… et finalisent un cheminement qui s’inscrira sur des toiles pour paramétrer l’avenir de la planète par le recyclage, entre autres, de nos déchets. Donner une seconde vie… à ce qui a été rejeté.
Avenir ou futur ?
Un combat personnel se dessine pour vivre de son art et dispenser son savoir. Mais ce combat se veut aussi collectif pour une identité culturelle, plus-value de l’art africain, souvent non valorisée ou stigmatisée sur la plate-forme mondiale.
D’ailleurs Aristide regorge de projets en ce sens …
Et l’idée reste la même : « faire questionner » le spectateur sur l’avenir empreint d’incertitudes et « faire émerger » la fibre artistique chez ses contemporains.
Par-delà toutes frontières. Et il y réussit si bien.
Fiche pratique Aristide Kouamé
Mel :
aristidekouamepeintre@gmail.com
https://www.facebook.com/aristide.kouame.161
Galerie Eurêka : Rue Marconi près de le BICICI – Zone 4 C Marcory – 18 BP 515 Abidjan